Il
est évident que cet Esprit est dans la bonne voie ; il y a en lui un
combat de bon augure, car il ne demande qu'à être éclairé.
Ses
idées cependant se ressentent encore de certains préjugés. Comme beaucoup de
gens qui croient y trouver une excuse, il s'en prend à la société. Mais,
qu'est-ce qui rend la société mauvaise, sinon les gens vicieux ? La
société laisse sans doute beaucoup à désirer sous le rapport des institutions,
mais puisqu'il s'y trouve des gens honnêtes et qui remplissent leur devoir,
tous pourraient faire de même, car elle ne contraint personne à faire le mal.
Est-ce la société qui obligeait Louis-Henri à l'abandon de cette femme et de
son enfant ? S'il n'a pas reconnu celui-ci, pourquoi l'a-t-il perdu de vue
sans s'inquiéter de son existence ? Sont-ce les préjugés sociaux qui l'ont
empêché de donner son nom à cette femme ? Non, car il n'avait que ses
passions pour mobile. Est-ce l'instruction qui lui manquait ? Non,
puisqu'il appartenait à la classe élevée. Ce n'est donc pas la société qui est
coupable envers lui ; elle ne lui a rien refusé, puisqu'il était un des
favorisés en toutes choses. C'est donc lui qui a été coupable envers la
société, car il a agi librement, volontairement, et en connaissance de cause.
Qui a jeté son fils sur la route de ses débordements ? Le hasard ?
Non : la Providence, afin que le remords qui devait plus tard en être la
suite servît à son avancement.
La
véritable plaie de la société, la cause première de tous les désordres, c'est
l'incrédulité. La négation du principe spirituel, la croyance au néant après la
mort, les idées matérialistes, en un mot, hautement préconisées par des hommes
influents, s'infiltrent dans la jeunesse qui les suce pour ainsi dire avec le
lait. L'homme qui ne croit qu'au présent veut jouir à tout prix, et il est
conséquent avec lui-même, puisqu'il n'attend rien au delà de la tombe ; il
n'espère rien, et, par conséquent, ne craint rien. Si Louis-Henri avait eu foi
en son âme et en l'avenir, il aurait compris que la vie corporelle est fugitive
et précaire, et n'en aurait pas fait son but unique ; sachant que rien de
ce qu'on y acquiert n'est perdu, il se serait préoccupé de son sort futur,
tandis qu'il a agi comme quelqu'un qui mange son capital et joue son va-tout.
Que
de désordres, que de misères, que de crimes ont leur source dans cette manière
d'envisager la vie ! Quels sont les premiers coupables ! Ceux qui
l'érigent en dogme, en croyance, raillant et traitant de fous ceux qui croient
que tout n'est pas dans la matière et dans le monde visible. Louis-Henri n'a
pas été assez fort pour résister à ce courant d'idées ; il a succombé, victime
de ses passions qui trouvaient une justification dans le matérialisme, tandis
qu'une foi solide et raisonnée y eût mis un frein plus puissant que toutes les
lois répressives qui ne peuvent atteindre tous les méfaits. Le Spiritisme donne
cette foi, c'est pourquoi il opère de si nombreuses transformations morales.
Les
trois dernières communications confirment la première obtenue par un autre
médium ; c'est évidemment le même fond de pensée. On y remarque le progrès
qui s'est opéré dans cet Esprit, et nous y pouvons puiser plus d'un
enseignement.
Dans
la première, tout en faisant l'aveu de ses fautes, il n'y a pas encore de
repentir sérieux ni de résolution prise ; il se plaint presque d'avoir été
évoqué.
Dans
la seconde, il dit : « Que je souffre depuis que j'ai été évoqué par
votre président ! » Ces paroles justifieraient-elles le dire de
certaines personnes qui prétendent qu'on trouble le repos des morts en les
évoquant ? Non, assurément, puisque d'abord ils ne viennent que lorsque
cela leur convient ; en second lieu que la plupart témoignent leur
satisfaction d'être appelés, lorsqu'ils le sont par un sentiment sympathique et
bienveillant. Certains coupables seuls viennent avec répugnance, et, dans ce
cas, ils n'y sont pas contraints par l'évocateur, mais par des Esprits
supérieurs en vue de leur avancement. Leur répugnance est celle du criminel que
l'on conduit devant un tribunal. L'évocation des Esprits coupables ayant pour
but et pour résultat leur amélioration, la contrariété momentanée qu'elle leur cause
est à leur avantage, puisqu'en les excitant au repentir, elle abrège les
souffrances qu'ils endurent dans le monde des Esprits. Serait-il donc plus
charitable de les laisser croupir dans l'abjection où ils se trouvent que de
les en tirer ? La souffrance qui en résulte est celle que le médecin fait
endurer à son malade pour le guérir. Tirez de la fange un homme abruti, il se
plaindra ; il en est de même des Esprits.
On
retrouve dans les communications de cet Esprit une pensée analogue à celle
qu'exprimait Latour sur la souffrance que cause le repentir. Nous avons
expliqué la cause de ce sentiment (numéro de novembre 1864, page 336) ;
c'est le même qui fait dire à celui-ci : « Je souffre depuis que j'ai
été évoqué, » et « le remords me poursuit ; je souffre
beaucoup. » C'est donc le remords qui le fait souffrir, mais c'est ce
remords qui doit le sauver, et c'est l'évocation qui l'a provoqué. Mais il
ajoute ces paroles remarquables : « Je comprends la nécessité de
souffrir ; je comprends que l'impureté ne peut devenir pure qu'après
s'être transformée au contact du feu. » Et plus loin : « Si le
repentir double la souffrance, je sais que cette souffrance ne durera qu'un
temps, et que le bonheur m'attend après l'épuration. » Cette certitude lui
fait dire : « Je veux souffrir, souffrir beaucoup, pour mériter
d'être plus vite heureux. » Faut-il donc s'étonner, d'après cela, qu'un
Esprit
choisisse de terribles épreuves dans une nouvelle existence ? N'est-il pas
dans le cas d'un malade qui se résigne à une opération douloureuse pour se bien
porter ? ou dans celui d'un homme qui s'expose à tous les dangers, qui
endure toutes les misères, toutes les fatigues et toutes les privations en vue
d'acquérir la fortune ou la gloire ? Il n'y a donc rien d'irrationnel dans
le principe du libre choix des épreuves de la vie. La condition, pour en
profiter, est de ne pas reculer ; or, c'est reculer que de ne pas les
supporter avec courage et résignation.
Quel
sera le sort de Louis-Henri dans une nouvelle existence ? Comme il a cruellement
expié ses fautes dans sa dernière existence ; qu'à l'état d'Esprit son
repentir est sincère et ses bonnes résolutions sérieuses, il est probable qu'il
sera mis à même de réparer ses torts en faisant le bien ; mais comme il a
payé sa dette de souffrances corporelles, il n'aura plus à passer par les mêmes
vicissitudes.
C'est
ce que nous lui souhaitons, et en vue de quoi nous prions pour lui.