REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1864

Allan Kardec

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(Société spirite de Paris. ‑ Méd., M. A. Didier)

L'Esprit de Guttemberg a fort poétiquement défini les effets positifs et si universellement progressifs de l'imprimerie et de l'avenir de l'électricité ; néanmoins je me permets, en ma qualité d'ancien tailleur de castels, de machicoulis, de terrassements et de cathédrales, d'exposer certaines théories sur le caractère et le but de l'architecture du moyen âge.

Tout le monde sait, et d'illustres professeurs archéologues l'ont enseigné de nos jours, que la religion, la foi naïve ont élevé avec le génie de l'homme ces superbes monuments gothiques répandus sur la surface de l'Europe ; et ici, plus que jamais, l'idée exprimée par l'Esprit de Guttemberg est pleine d'élévation.

Nous croyons cependant devoir émettre, non pas contre, mais à côté, notre opinion.

L'idée, cette lumière de l'âme, étincelle réelle qui communique la volonté et le mouvement à l'organisme humain, se manifeste de différentes manières, soit par l'art, la philosophie, etc. L'architecture, cet art élevé qui exprime peut-être le mieux le naturel et le génie d'un peuple, fut consacrée, dans les nations impressionnables et croyantes, au culte de Dieu et aux cérémonies religieuses. Le moyen âge, fort de la féodalité et de sa croyance, eut la gloire de fonder deux arts essentiellement différents dans leur but et leur consécration, mais qui expriment parfaitement l'état de sa civilisation : le château fort, habité pair le seigneur ou le roi ; l'abbaye, le monastère et l'Église ; en un mot, l'art architectural militaire, et l'art architectural religieux. Les Romains, essentiellement administrateurs, guerriers, civilisateurs, colonisateurs universels, forcés qu'ils étaient par l'extension de leurs conquêtes, n'eurent jamais un art architectural inspiré par leur foi religieuse ; l'avidité seule, l'amour du gain et du pouvoir exécutif, leur firent construire ces formidables entassements de pierres, symbole de leur audace et de leur assise intellectuelle. La poésie du Nord, contemplative et nuageuse, unie à la somptuosité de l'art oriental, créa le genre gothique, d'abord austère et peu à peu fleuri. En effet, nous voyons en architecture la réalisation des tendances religieuses et du despotisme féodal.

Ces ruines fameuses de bien des révolutions humaines, plus que du temps, imposent encore par leur aspect grandiose et formidable. Il semble que le siècle qui les vit s'élever était dur, sombre et inexorable comme elles ; mais il ne faut pas conclure de là que la découverte de l'imprimerie, à force d'étendre la pensée, ait simplifié l'art de l'architecture.

Non, l'art qui est une part de l'idée, sera toujours une manifestation ou religieuse, ou politique, ou militaire, ou démocratique, ou princière. L'art a son rôle, l'imprimerie a le sien ; sans être exclusivement spécialiste, il ne faut pas confondre le but de chaque chose ; il faut dire seulement qu'il ne faut pas mêler les différentes facultés et les différentes manifestations de l'idée humaine.

Robert de Luzarches.

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