REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1864

Allan Kardec

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« Le Spiritisme, cette étoile de l'Orient, ne vient pas seulement vous ouvrir les portes de la science ; il fait mieux que cela : c'est un ami qui vous conduit les uns vers les autres, pour vous apprendre l'amour du prochain et surtout la charité ; non pas cette aumône dégradante qui cherche dans sa bourse la plus petite pièce pour la jeter dans la main d'un pauvre, mais la douce mansuétude du Christ qui connaissait le chemin où l'on rencontre l'infortune cachée.

Mes bons amis, j'ai rencontré sur ma route une de ces misères dont l'histoire ne parle pas, mais dont le cœur se souvient quand il a été témoin d'aussi rudes épreuves. C'est une pauvre femme ; elle est mère ; elle a un fils sans occupation depuis plusieurs mois ; de plus elle nourrit une malheureuse ouvrière comme elle ; et par surcroît, un vieillard vient chaque jour la trouver à l'heure où l'on déjeune, quand il y a assez pour déjeuner. Mais le jour où le nécessaire manque, les deux pauvres femmes, créatures admirables de charité, donnent leur repas aux deux hommes : le vieillard et l'enfant, prétendant qu'ayant eu faim, elles ont mangé les premières. J'ai vu cela se renouveler bien souvent ; j'ai vu le vieillard, dans un moment de désespoir, vendre son dernier vêtement, et vouloir, par un acte insigne de folie, dire à la vie un dernier adieu, avant de partir pour le monde invisible où Dieu vous juge tous.

J'ai vu la faim imprimer ses étreintes sur ces déshérités du bien-être social ; mais les femmes ont prié Dieu avec ferveur, et Dieu les a exaucées. Déjà il a mis des frères, des Spirites, sur leurs pas, et quand la charité appelle, les cœurs dévoués répondent. Déjà les larmes du désespoir sont séchées ; il ne reste plus que l'angoisse du lendemain, le fantôme menaçant de l'hiver avec son cortège de frimas, de glace et de neige. Je vous tends la main en faveur de cette infortune. Les pauvres, nos amis, sont les envoyés de Dieu ; ils viennent vous dire : Nous souffrons, Dieu le veut ; c'est notre châtiment, et tout à la fois un exemple pour notre amélioration. En nous voyant si malheureux, votre cœur s'attendrit, vos sentiments s'élargissent, vous apprenez à aimer et à plaindre le malheur ; secourez-nous, afin que nous ne murmurions pas, et aussi pour que Dieu vous sourie du haut de son beau paradis.

Voilà ce que dit le pauvre en ses haillons ; voilà ce que répète l'ange gardien qui vous veille, et ce que je vous redis, simple messagère de charité, intermédiaire entre le ciel et vous.

« Souriez à l'infortune, ô vous qui êtes si richement doués de toutes les qualités du cœur ; aidez-moi dans ma tâche ; ne laissez point refermer ce sanctuaire de votre âme où le regard de Dieu a plongé ; et un jour, quand vous rentrerez dans votre mère-patrie, quand le regard incertain, la démarche encore mal assurée, vous chercherez votre chemin à travers l'immensité, je vous ouvrirai à deux battants les portes du temple où tout est amour et charité, et je vous dirai : Entrez, mes aimés, je vous connais !

Carita. »

A qui fera-t-on croire que c'est là le langage du diable ? Est-ce la voix du diable qui s'est fait entendre à l'oreille du capitaine sous le nom de son fils, pour l'avertir que ce vieillard allait se suicider, et lui donner en même temps le regret d'avoir dit des paroles qui devaient le blesser ? Selon la doctrine qu'un parti cherche à faire prévaloir, et d'après laquelle le diable seul se communique, ce capitaine aurait dû repousser comme satanique la voix qui lui parlait ; il en serait résulté que le vieillard se serait suicidé, que le mobilier des pauvres ouvrières aurait été vendu, et qu'elles seraient peut-être mortes de faim.

Parmi les dons que nous avons reçus à leur intention, il en est un que nous croyons devoir mentionner, sans toutefois en nommer l'auteur. Il était accompagné de la lettre suivante :

« Monsieur Allan Kardec,

J'ai appris d'un mien parent, qui le tient de vous, le récit de la belle action vraiment chrétienne accomplie par une pauvre ouvrière de Lyon envers un malheureux vieillard, lequel parent m'a aussi montré un appel bien éloquent en sa faveur par un Esprit qui se donne sous le doux nom de Carita. Sur sa demande si je reconnaissais là le langage du démon, je lui ai répondu que nos meilleurs saints ne parleraient pas mieux : c'est mon opinion ; c'est pourquoi j'ai pris la liberté de lui en demander une copie. Monsieur, je ne suis qu'un pauvre prêtre, mais je vous envoie le denier de la veuve, au nom de Jésus-Christ, pour cette brave et digne femme. Ci-inclus, vous trouverez la modique somme de cinq francs, regrettant de ne pouvoir faire mieux. Je vous demande la faveur de taire mon nom.

Daignez agréer, etc.

L'abbé X… »

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