REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1864

Allan Kardec

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Au commencement de la séance, une prière spéciale pour la circonstance a remplacé l'invocation générale qui sert d'introduction aux séances ordinaires. Elle est ainsi conçue :

Gloire à Dieu, souverain maître de toutes choses !

Seigneur, nous vous prions de répandre votre sainte bénédiction sur cette assemblée.

Nous vous glorifions et vous remercions de ce qu'il vous a plu d'éclairer notre route par la divine lumière du Spiritisme.

Grâce à cette lumière, le doute et l'incrédulité ont disparu de notre esprit, et disparaîtront aussi de ce monde ; la vie future est une réalité, et nous marchons sans incertitude vers l'avenir qui nous est réservé.

Nous savons d'où nous venons et où nous allons, et pourquoi nous sommes sur la terre.

Nous connaissons la cause de nos misères, et nous comprenons que tout est sagesse et justice dans vos œuvres.

Nous savons que la mort du corps n'interrompt point la vie de l'esprit, mais qu'elle lui ouvre la véritable vie ; qu'elle ne brise aucune affection sincère ; que ceux qui nous sont chers ne sont point perdus pour nous, et que nous les retrouverons dans le monde des Esprits. Nous savons qu'en attendant ils sont auprès de nous ; qu'ils nous voient et nous entendent, et qu'ils peuvent continuer leurs rapports avec nous.

Aidez-nous, Seigneur, à répandre parmi nos frères de la terre qui sont encore dans l'ignorance, les bienfaits de cette sainte croyance, car elle calme toutes les douleurs, donne la consolation aux affligé, le courage, la résignation et l'espérance dans les plus grandes amertumes de la vie.

Daignez étendre votre miséricorde sur nos frères décédés, et sur tous les Esprits qui se recommandent à nos prières, quelle qu'ait été leur croyance sur la terre.

Faites que notre pensée bienveillante porte le soulagement, la consolation et l'espérance à ceux qui soufrent.

Le Président adresse ensuite l'allocution suivante aux Esprits :

Chers Esprits de nos anciens collègues : Jobard, Sanson, Costeau, Hobach et Poudra ;

En vous conviant à cette réunion commémorative, notre but n'est pas seulement de vous donner un gage de notre souvenir, qui, vous le savez, est toujours cher à notre mémoire ; nous venons surtout vous féliciter de la position que vous occupez dans le monde des Esprits, et vous remercier des excellentes instructions que vous venez de temps en temps nous donner depuis votre départ.

La Société se réjouit de vous savoir heureux ; elle s'honore de vous avoir comptés parmi ses membres, et de vous compter maintenant parmi ses conseillers du monde invisible.

Nous avons apprécié la sagesse de vos communications, et nous serons toujours heureux toutes les fois que vous voudrez bien venir prendre part à nos travaux.

A ce témoignage de gratitude, nous associons tous les bons Esprits qui viennent habituellement ou éventuellement nous apporter le tribut de leurs lumières : Jean, Ev., Eraste, Lamennais, Georges, François-Nicolas-Madeleine, saint-Augustin, Sonnet, Baluze, Viannet, curé d'Ars, Jean Raynaud, Delph. de Girardin, Mesmer et ceux qui ne prennent que la qualification d'Esprit.

Nous devons un tribut particulier de reconnaissance à notre guide et président spirituel, qui fut saint Louis sur la terre ; nous le remercions d'avoir bien voulu prendre notre société sous son patronage, et des marques évidentes de protection qu'il nous a données. Nous le prions de vouloir bien également nous assister dans cette circonstance.

Notre pensée s'étend à tous les adeptes et apôtres de la nouvelle doctrine qui ont quitté la terre, et nommément à ceux qui nous sont personnellement connus, savoir : N. N…

A tous ceux à qui Dieu permet de venir nous entendre, nous disons :

Chers frères en croyance qui nous avez précédés dans le monde des Esprits, nous nous unissons de pensée pour vous donner un témoignage de sympathie, et appeler sur vous les bénédictions du Tout-Puissant.

Nous le remercions de la grâce qu'il vous a faite d'être éclairés de la lumière de vérité avant de quitter la terre, car cette lumière vous a guidés à votre entrée dans la vie spirituelle ; la foi et la confiance en Dieu qu'elle vous a données vous ont préservés du trouble et des angoisses qui suivent la séparation chez ceux qu'affligent le doute et l'incrédulité.

Elle vous a donné le courage et la résignation dans les épreuves de la vie terrestre ; elle vous a montré le but et la nécessité du bien, les suites inévitables du mal, et maintenant vous en recueillez les fruits.

Vous avez quitté la terre sans regret, sachant que vous alliez trouver des biens infiniment plus précieux que ceux que vous y laissiez ; vous l'avez quittée avec la ferme certitude de retrouver les objets de vos affections, et de pouvoir revenir en Esprit soutenir et consoler ceux que vous laissiez après vous. Vous êtes enfin dans le monde des Esprits comme dans un pays qui vous était connu d'avance.

Nous sommes bien heureux d'avoir vu nos croyances confirmées par tous ceux d'entre vous qui sont venus se communiquer ; aucun n'est venu dire qu'il avait été déçu dans ses espérances, et que nous nous faisions illusion sur l'avenir ; tous, au contraire, ont dit que le monde invisible avait des splendeurs indescriptibles, et que leurs espérances avaient été dépassées.

A vous maintenant, qui jouissez du bonheur d'avoir eu la foi, et qui recevez la récompense de votre soumission à la loi de Dieu, de venir en aide à ceux de vos frères de la terre qui sont encore dans les ténèbres. Soyez les missionnaires de l'Esprit de vérité pour le progrès de l'humanité, et pour l'accomplissement des desseins du Très-Haut.

Notre pensée ne s'arrête pas à nos frères en Spiritisme ; tous les hommes sont frères quelle que soit leur croyance.

Si nous étions exclusifs, nous ne serions ni Spirites ni chrétiens ; c'est pourquoi nous comprenons dans nos prières, dans nos exhortations ou dans nos félicitations, selon l'état où ils se trouvent, tous les Esprits auxquels notre assistance peut être utile, qu'ils aient ou non partagé nos croyances de leur vivant.

La connaissance du Spiritisme n'est pas indispensable au bonheur futur, car il n'a pas le privilège de faire des élus. C'est un moyen d'arriver plus facilement et plus sûrement au but, par la foi raisonnée qu'il donne et la charité qu'il inspire ; il éclaire la route, et l'homme, n'allant plus en aveugle, marche avec plus d'assurance ; par lui on comprend mieux le bien et le mal ; il donne plus de force pour pratiquer l'un et éviter l'autre. Pour être agréable à Dieu, il suffit d'observer ses lois, c'est-à-dire de pratiquer la charité qui les résume toutes ; or, la charité peut être pratiquée par tout le monde. Se dépouiller de tous les vices et de tous les penchants contraires à la charité est donc la condition essentielle du salut.

Après cette allocution, des prières spéciales, tirées en partie de l'Imitation de l'Evangile (nos 355 et suiv.), sont dites pour chaque catégorie d'Esprits, avec désignation nominative de ceux à l'intention desquels la prière est dite plus spécialement. La série des prières est terminée par l'Oraison dominicale développée. (Voir la Revue d'août 1864, page 232.)

Les médiums se sont ensuite mis à la disposition des Esprits qui ont voulu se manifester. Aucune évocation particulière n'a été faite.

Nous donnons ci-après les principales communications obtenues.


I.

Mes enfants, une étroite communion relie les vivants aux trépassés. La mort continue l'œuvre ébauchée, et ne brise pas les liens du cœur ; cette certitude enrichit encore le trésor d'amour déversé sur la création.

Les progrès humains obtenus au prix de sacrifices douloureux et d'hécatombes sanglantes rapprochent l'homme du Verbe divin, et lui font épeler le mot sacré qui, tombé des lèvres de Jésus, ranima l'humanité défaillante. L'amour est la loi du Spiritisme ; il élargit le cœur et fait aimer activement ceux-là qui disparaissent dans la vague pénombre du tombeau.

Le Spiritisme n'est pas un vain son tombé des lèvres mortelles et qu'un souffle emporte ; il est la loi forte et sévère qu'a proclamée Moïse au mont Sinaï, la loi qu'ont affirmée les martyrs ivres d'espérance, la loi qu'ont discutée les philosophes inquiets, et qu'enfin les Esprits viennent proclamer.

Spirites ! le grand nom de Jésus doit flotter comme une bannière au-dessus de vos enseignements. Avant que vous fussiez, le Sauveur portait la révélation dans son sein, et sa parole, prudemment mesurée, indiquait chacune des étapes que vous parcourez aujourd'hui. Les mystères crouleront au souffle prophétique qui ébranle vos intelligences, comme jadis les murailles de Jéricho.

Unissez-vous d'intention, comme vous le faites dans cette réunion bénie. La chaude électricité dégagée du cœur comble la distance qui nous sépare, et dissipe les vapeurs du doute, de la personnalité, de l'indifférence, qui trop souvent obscurcissent la faculté spirituelle.

Aimez et priez par vos œuvres.

Jean, Ev. (Médium, Mme Costel.)


II.

Mes bons amis, vos prières et votre recueillement ont appelé près de vous de nombreux Esprits auxquels vous avez fait beaucoup de bien. Une réunion comme la vôtre a une force d'attraction tellement efficace que les vibrations de votre pensée ont ému tous les points de l'espace. Une multitude de vos frères, peu avancés ou en souffrance, a suivi les Esprits supérieurs ; avant de vous avoir entendus, ils étaient sans foi, maintenant ils espèrent, ils croient. Leurs voix, unies à la mienne, sauront désormais vous bénir ; ils vous savent forts devant les épreuves ; comme vous, ils voudront mériter la vie éternelle, la vie de Dieu.

Vous n'avez oublié personne, cher président. Pour mon compte personnel, je suis fier du bon accueil que mon nom reçoit chez mes anciens condisciples. J'ai toujours ouï dire qu'un curieux, écoutant à la porte, n'a jamais entendu son éloge ; pourtant, nous sommes des témoins invisibles ; notre nombre est infini ; ce que nous entendons, au rebours de la mode terrestre, c'est le pardon, la prière, la bienveillance ; c'est la pratique de la charité, la plus noble des devises.

Puisse votre exemple se répandre comme un écho aimé, afin que tous les Esprits en souffrance puissent en tous lieux entendre des paroles qui sauront les guider vers les vérités éternelles !

Paris est, dit-on, une ville de bruit et d'oubli ; les mystiques prétendent que c'est une Babylone moderne. Bien haut je me récrie, car Paris est la ville des laborieuses pensées, des idées fécondes et des nobles sentiments. C'est la cité qui rayonne sur l'univers ; ce sera toujours elle qui enseignera les grands principes, les grandes abnégations et les solides vertus.

Voyez-la plutôt, la grande ville, en ce jour où chacun a une larme pour les chers absents ; elle a mis de côté sa vie multiple pour aller se recueillir dans les nécropoles, et ce fleuve humain, silencieux, réfléchi, va prier sur les restes de ceux qui lui furent chers ; et devant ce pieux cortège l'incrédule lui-même est saisi de respect.

Paris, dit-on, n'est pas spirite. Cherchez une cité, dans l'univers, où la tombe la plus modeste soit plus vénérée, mieux fleurie. C'est que la cité aux grands enfantements ressent mieux les pertes douloureuses ; elle pleure de vraies larmes, et ne donne rien à l'apparence. Paris est sans doute une ville de plaisirs pour un certain monde, mais c'est aussi la ville du travail et de la pensée pour le plus grand nombre. Elle n'est point foncièrement matérialiste. C'est elle qui donne la lumière spirite à l'univers, et cette lumière lui reviendra grandie, épurée. Tous les peuples viendront chercher parmi vous les vérités du Spiritisme, bien préférables aux futiles et vaines jouissances ou aux parades qui ne laissent rien à l'esprit.

Il y a dans l'air une idée rationnelle approuvée par tous les gens de progrès, c'est que tout le monde devrait savoir lire. Notre doctrine, si belle qu'elle soit, rencontre un obstacle dans l'ignorance. Aussi notre devoir, à nous tous Spirites, est-il de diminuer le nombre de nos frères ignorants, afin que le Livre des Esprits ne reste pas une lettre morte pour tant de parias. Travailler à répandre l'instruction dans les masses, c'est ouvrir la voie au Spiritisme en même temps que c'est détruire l'élément du fanatisme ; c'est diminuer d'autant les entraînements de l'ignorance ; c'est créer des hommes qui vivront et mourront bien.

Ce grand acte de charité accompli, je n'aurai plus la douleur de voir revenir, en ce jour des morts, tant d'Esprits arriérés qui demandent à se réincarner pour savoir, et pour accomplir la mission promise à leurs nouvelles facultés. Et ces Esprits devenus intelligents pourront à leur tour aller dans d'autres mondes enseigner, et donner le pain de vie, le savoir qui rend digne de Dieu.

Autour de vous des légions d'ignorants vous implorent : ce sont vos morts ; n'oubliez pas ce qu'ils demandent. Vos prières leur seront utiles, mais vos actions sont appelées à leur rendre un service plus essentiel.

Adieu, frères ; votre dévoué condisciple,

Sanson (Méd., M. Leymarie).



III.

Jour de félicité pour les Esprits du Seigneur qui se groupent pour adresser à Dieu des prières pour les Esprits, car cette sainte communion de pensées se reproduit aussi dans les régions supérieures ! Oh ! oui, heureux les pauvres déshérités qui comprendront le but de nos prières adressées pour hâter leur progrès ! Grâce au Spiritisme, beaucoup déjà sont entrés dans la voie du repentir et ont pu s'améliorer. C'est cette grâce descendue sur la terre qui a ouvert leur cœur aux regrets et leur a donné l'espoir de venir un jour près de nous. Merci à vous tous, Spirites chrétiens, d'avoir demandé à Dieu et obtenu que nous puissions venir vous dire : Courage ! Les Esprits qui viennent vous remercier de cette bonne pensée en ont profité, et s'estiment aujourd'hui bien heureux.

Je dirai en particulier à mon bon ami Canu : Soyez heureux à la pensée que votre ami Hobach l'est lui-même, et qu'il est là entouré d'Esprits amis et protecteurs qui viennent, attirés par la sympathie, élever leurs âmes vers le Créateur, car tout vient de lui et doit retourner à lui. Cherchons donc toujours les réunions sincères, afin de profiter des enseignements qui y sont donnés, et que les invisibles et les incarnés puissent progresser vers l'infini, c'est-à-dire vers l'Etre suprême qui nous créa pour le bien et la marche progressive de ses œuvres. Oui, merci mille fois, car je lis dans tous les cœurs les sentiments de ceux qui nous ont particulièrement aimés ; mais aussi que ceux qui pleurent sèchent leurs larmes, car ils viendront nous rejoindre dans un monde meilleur, où la loi de justice règne en souveraine, puisque là elle émane de Dieu.

Hobach (Méd., Mme Patet).



IV.

Amis et frères en Spiritisme, vous êtes réunis en ce jour pour adresser au Seigneur des vœux et des prières pour des Esprits qui vous sont chers et qui ont rempli ici-bas leur mission. Beaucoup d'entre eux, mes chers amis, ont accompli cette tâche dignement, et ont reçu la récompense de leur travail dans cette vie d'expiation et de misère. Oh ! ceux-là, mes chers Spirites, ils veillent sur vous ; ils vous protègent, et en ce jour ils participent à vos vœux et aux supplications que vous adressez à notre Père à tous. Ils sont pour la plupart au milieu de vous, heureux de voir le recueillement où vous êtes en ce moment solennel.

Mais c'est surtout pour les Esprits qui n'ont pas compris leur mission dans ce monde de passage que doivent s'élever vos pensées et vos prières. Oh ! ceux-là ont besoin que des cœurs amis, que des âmes compatissantes leur donnent un souvenir, une prière, mais une prière sincère, une prière qui monte vers le trône de l'Éternel ! Ah ! combien de ces Esprits sont délaissés, oubliés, même par ceux qui devraient le plus penser à eux ; par des parents quelquefois bien proches ! C'est que ceux-ci, mes amis, ne sont pas Spirites ; c'est qu'ils ne connaissent pas l'effet que peut produire sur l'Esprit l'action des prières. Non, ils ne connaissent pas la charité, ils ne croient pas à une autre existence après celle-ci, ils croient que la mort ne laisse rien après elle.

Combien en ces jours de deuil s'en vont le cœur froid et sec vers la tombe de ceux qu'ils ont connus ! Ils y vont, mais par habitude, par convenance ; leur âme ne ressent aucune espérance ; ils ne pensent même pas que ces âmes auxquelles ils viennent rendre un devoir sont là, près d'eux et attendent d'eux une prière partie du cœur.

Oh ! mes amis, suppléez, vous, par vos prières, à ce que ne font pas vos frères. Ils ne voient dans la mort que la dépouille : le corps, et oublient que l'âme vit toujours. Priez, car vos prières seront entendues du Très-Haut.

Un Esprit qui demande aussi une part dans vos prières,

Lalouze. (Méd., Mme Lampérière.)



V.

Chers amis, que d'actions de grâces ne vous devons-nous pas en échange de vos bonnes et généreuses prières !

Oh ! oui, nous sommes reconnaissants de tant de dévouement, de tant de charité. En aucun temps des prières aussi chaleureuses, aussi ferventes, n'ont été écoutées et portées sur les ailes blanches des Esprits purs au trône divin. En aucun temps les hommes n'ont mieux compris l'utilité de la prière en commun, dont la force morale pèse sur les Esprits imparfaits qui viennent, chaque fois que vous vous réunissez, puiser à votre foyer généreux et fraternel. Car là il n'y a pas de distinction ; les petits, les déshérités de la terre sont reçus par vous comme les grands, comme les princes ; vous priez pour le pauvre comme pour le riche. Oh ! fraternité divine, grandis, grandis toujours jusqu'à ce que tu atteignes le sublime régénérateur qui t'envoie pour ramener les hommes dans la voie droite dont ils s'étaient écartés depuis tant de siècles !

Frappez et il vous sera ouvert, disait Jésus ; demandez et il vous sera donné. Oui, frappez sur vos passions, et le rayon de la charité divine inondera votre âme. Demandez la foi et elle vous viendra. Demandez la patience et elle vous sera accordée. Demandez en un mot toutes les vertus nécessaires pour vous dépouiller du vieil homme qui doit disparaître à tout jamais et faire place à l'homme de bien.

Je suis un Esprit inconnu de vous, je me suis emparé de cette main grâce à la charité de saint Joseph.

(Méd., M. Lampérière.)



VI.

Ma bien chère épouse, j'ai vu tes soupirs, j'ai vu tes larmes. Toujours pleurer ! J'ai vu aussi tes prières, laisse-moi t'en remercier. Allons, chère amie, console-toi. Vois-tu, tu troubles mon bonheur. Console-toi donc, car tu es plus heureuse que beaucoup d'autres : tu as des frères qui t'aiment, qui sont heureux de te voir venir parmi eux. Vois, ma fille, combien tu es bénie entre toutes.

Je n'ai qu'à vous louer, mes frères, du bon accueil qui partout est fait à mon épouse ; je vous remercie de tout ce que vous faites pour elle… et vous me faites encore l'amitié de m'appeler aujourd'hui !… J'ai des premiers soutenu et propagé de tout mon pouvoir cette sainte doctrine. Ah ! si j'avais su ce que je sais et vois maintenant ! Croyez, croyez, c'est tout ce que je puis vous dire. Faites tout pour l'enseigner et pour attirer les cœurs à vous. Rien n'est plus beau, rien n'est si vrai que ce que vous enseignent vos livres.

Costeau. (Méd., mademoiselle Béguet.)



VII.

Merci à vous tous, frères bien-aimés, de votre bon souvenir et de vos bonnes prières. Merci à vous, cher président, de l'heureuse initiative que vous avez prise en faisant prier pour tous dans une même communion d'idées et de pensées. Oui, nous sommes tous là ; nous avons entendu avec bonheur vos prières sincères adressées au Père de miséricorde pour chacun de nous. Oui, nous sommes heureux, car la prière faite avec sincérité monte vers Dieu, et nous recevons de lui la force nécessaire pour combattre les mauvaises influences que les Esprits légers cherchent à faire ressentir à ceux qui travaillent avec énergie à l'œuvre sainte. Ces prières ont été pour nous comme un appel solennel, et nous nous trouvons tous réunis à vos côtés. De loin, comme de près, nous sommes accourus à cet heureux appel. Il est à désirer que votre exemple soit suivi de tous les centres sérieux, car ces prières, faites avec autant de sincérité et de désintéressement, montent vers Dieu comme de saints effluves et rejaillissent sur chacun de nous. Merci donc encore, mes bons amis, et, quoique mon nom n'ait pas été prononcé, vous voyez que je suis là. Cela doit vous prouver que nous sommes heureux et nombreux.

La mère d'un membre honoraire de votre Société,

Aimée Brédard, de Bordeaux. (Méd., madame Delanne.)



VIII.

Mes bons amis, j'aurais préféré, après les prières que vous venez d'entendre, et auxquelles vous vous êtes associés de tout votre cœur, j'aurais préféré, dis-je, voir chacun de vous se retirer dans le silence pieux que vous laisse au cœur la prière. Vous avez élevé vos âmes vers Dieu pour tous ceux qui sont partis de la terre ; vous avez jeté de doux souvenirs au passé, et, dans ce présent, ne vous sentez-vous pas plus forts ? N'avez-vous point senti tout à l'heure, pendant que vos âmes montaient au ciel dans un commun élan, l'haleine chaude d'autres âmes mêlant leurs prières aux vôtres ? N'en êtes-vous point imprégnés ? Pourquoi ne point vous recueillir dans ce parfum silencieux d'outre-tombe, plutôt que de nous demander des voix ? Vivre avec ces douces pensées découlant des effluves sacrés de la prière, n'est-ce point assez de bonheur ?

Mais je comprends que ce langage muet ne vous suffise point. Les zéphyrs tièdes ne sont point assez pour le cœur amoureux qui demande aux échos une voix qui réponde à sa voix. Je vous pardonne ce désir, il est bien juste. Pourquoi chacun de vous ne pourrait-il jouir une seconde du bénéfice que lui accorde sa nouvelle foi, de communiquer avec ceux qui lui sont chers par l'entremise de nos médiums ?

Mais que votre assemblée est nombreuse pour la petite quantité de mains qui peuvent écrire ! Lesquels de vos amis pourront se dire quels sont les heureux d'entre vous qui entendent leurs voix ? Je vois un nombre d'Esprits bien plus considérable que vous êtes ici d'incarnés ; ils se pressent autour de chacun de nos intermédiaires : Georges, Sanson, Costeau, Jobard, Dauban, Paul, Émile, et cent autres dont je ne puis dire les noms, sont là et voudraient vous parler. J'arrête leur élan, et leur dis à tous que je serai leur intermédiaire entre eux et vous ; ils le veulent bien, et vous, chers amis, le désirez-vous aussi ? Je tâcherai d'être pour les uns leurs pères, pour les autres leurs mères ; pour ceux-là un fils, une fille, un époux, une épouse, et pour tous un ami, un frère qui vous aime et qui voudrait que vos cœurs, réunis dans un seul cœur, ne forment qu'une seule pensée, qu'une âme répondant à cette communion d'esprit concentrée dans ma pensée et dans mon âme.

Ah ! vos chers morts n'ont point attendu ce jour pour venir à chacun de vous ; à toute heure ne les sentez-vous point se presser à vos côtés, et vous donner, par cette voix que vous nommez la conscience, ces secrets chastes et divins du devoir ? Ne les sentez-vous point se rapprocher davantage de vous dans vos heures de détresse et de défaillance ? Ils vous disent : Courage ! et surtout à vous, Spirites, ils vous montrent le ciel et les innombrables étoiles qui roulent sur son azur en signe d'alliance entre le Seigneur et vous.

Non, mes chers amis, ils ne vous quittent point par la pensée. A toi, mère, ta fille vient te dire : Je suis partie la première, comme se détache du tronc vigoureux la branche que la tempête brise, mais je vis encore de ta sève et de ton amour dans l'immensité, et dans ce chapelet de perles qu'emporte mon âme, n'est-il pas quelques émeraudes qui me sont venues de toi ?

A toi, père, j'entends le fils te dire : Je suis parti pour revenir et t'aider, dans ta prière, à mieux aimer Dieu. Je suis parti, parce que ton front ne s'inclinait pas devant le grand dispensateur de toutes choses ; il a voulu se rappeler à toi en te faisant entendre les accents d'outre-tombe de la voix de ton fils.

A toi, frère, j'entends le frère te raconter vos jeux d'autrefois, vos luttes, vos joies, vos souffrances. Je suis en avant, te dit-il, mais je ne suis point mort. Je t'ai préparé le sentier : dans celui-là on trouve plus de gloire que sur la terre. Jette ton manteau de pourpre et revêts le manteau de bure pour faire le voyage. Le Seigneur aime mieux la pauvreté que la richesse.

J'entends de doux soupirs répondre à tous vos soupirs ; ceux de l'amant répondre à l'amante, ceux de l'époux à l'épouse. Belle harmonie !

Réjouissez-vous donc ! Que de larmes heureuses ! que de touchants élans ! Épouses, sentez-vous vos mains pressées par les mains invisibles de vos époux ; ils reviennent renouveler à cette heure le serment de vous aimer toujours ; ils viennent vous dire ce que je vous ai dit moi-même : que la mort ne brise point les liens du cœur, et que les unions se continuent par delà la tombe.

Que je voudrais vous les nommer tous, ces chers morts ; je ne le puis. Ecoutez vous-mêmes leurs voix ; chacun de vous les reconnaîtra dans le concert sacré qui monte au ciel. Elles chantent ensemble un cantique d'actions de grâce au Seigneur.

Saint Augustin. (Méd., M. E. Vézy.)



IX.

Mon médium ne pouvant prêter son concours à tout Esprit, je viens au lieu et place d'un Esprit qui eût peut-être désiré se communiquer ; mais l'instruction n'étant pas déplacée ici-même, dans cette réunion spécialement dédiée aux absents, je veux vous donner quelques conseils sur la manière de procéder pour obtenir des réponses réellement émanées des Esprits appelés.

Il y a ici beaucoup de médiums et beaucoup d'Esprits désireux de se communiquer, et pourtant peu pourront le faire, parce qu'ils n'auront pas eu le temps d'établir la communication fluidique avec eux. L'identité des communications est chose difficile à établir, et rarement vous pouvez être parfaitement assurés de cette identité. Cependant, si vous vouliez prêter un peu d'aide aux Esprits en vous préparant d'avance aux évocations, il y aurait plus souvent identité réelle. Les fluides doivent toujours être similaires : sans cette similitude, il n'y a point de communication possible ; mais vous possédez, médiums, bien des fluides divers, et, dans le nombre, certains pourraient être utilisés par les Esprits, si le temps leur était donné pour les influencer.

Généralement on appelle celui-ci, celui-là à brûle-pourpoint, sans l'avoir appelé par la pensée, sans lui avoir offert son appareil fluidique, sans lui avoir laissé le temps de le disposer à résonner à l'unisson de ses propres pensées. Croyez-vous bien faire en agissant ainsi ? Non, parce qu'ils sont obligés d'emprunter l'intermédiaire de vos Esprits familiers, et naturellement vous ne pouvez les reconnaître d'une manière aussi positive, et vous êtes réduits à ne constater que des pensées souvent fort différentes de celles qu'ils avaient pendant leur vie, sans avoir aucune particularité qui vous révèle une identité. Croyez-moi, lorsque vous voulez évoquer, pensez d'abord quelque temps à l'avance à ceux que vous désirez appeler, et vous leur offrirez bien mieux ainsi le moyen de se communiquer personnellement.

Je porte la parole au nom de tous ceux qui sont de la famille et des amis de mon médium, et je viens remercier le Président des paroles pleines de cœur qu'il a prononcées pour tous. Certes, il y a bonheur à s'unir à tant de désirs et de volontés bienveillantes ; et nous tous, Esprits disposés au bien et Esprits instructeurs, nous nous faisons un devoir d'accomplir les missions qui nous sont confiées par lui et par tous les cœurs spirites (Voir ci-après, page 399).

Un Esprit. (Médium, mademoiselle A. C.)

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