Pensées détachéesO hommes ! que vous êtes superbement
orgueilleux ! Votre prétention est vraiment comique. Vous voulez tout
savoir, et votre essence s'oppose, sachez-le, à cette faculté de
compréhension universelle. Vous n'arriverez à connaître cette
merveilleuse nature que par le travail persévérant ; vous n'aurez la
joie d'approfondir ces trésors et d'entrevoir l'infini de Dieu, qu'en
vous améliorant par la charité, et en faisant toutes choses au point de
vue du bien pour tous, et en reportant cette faculté du bien à Dieu qui,
dans sa générosité que rien ne peut égaler, vous en récompensera
au-delà de toute supposition. Massillon.
L'homme est
le jouet des événements, a-t-on dit souvent ; de quels événements
veut-on parler ? quels seraient leur cause, leur but ? Jamais on n'y a
vu le doigt de Dieu. Cette pensée vague et matérialiste, mère de la
fatalité, a égaré plus d'un grand esprit, plus d'une profonde
intelligence. Balzac a dit, vous le savez : « Il n'y a pas de principes ;
il n'y a que des événements ; » c'est-à-dire, selon lui, l'homme n'a
plus de libre-arbitre ; la fatalité le saisit au berceau, et le conduit
jusqu'au tombeau ; monstrueuse invention de l'esprit humain ! cette
pensée abat la liberté ; la liberté, c'est-à-dire le progrès,
l'ascension de l'âme humaine, démonstration évidente de l'existence de
Dieu. L'homme se laisserait donc conduire, serait donc esclave de tout :
des hommes et de lui-même ? O homme ! descends en toi ; es-tu né pour
la servitude ? Non ; tu es né pour la liberté.
Lamennais.