LA GENÈSE, LES MIRACLES ET LES PRÉDICTIONS SELON LE SPIRITISME

Allan Kardec

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LES PREDICTIONS



CHAPITRE XVI - Théorie de la prescience

1.- Comment la connaissance de l'avenir est-elle possible ? On comprend la prévision des événements qui sont la conséquence de l'état présent, mais non de ceux qui n'y ont aucun rapport, et encore moins de ceux que l'on attribue au hasard. Les choses futures, dit-on, n'existent pas ; elles sont encore dans le néant ; comment alors savoir qu'elles arriveront ? Les exemples de prédictions réalisées sont cependant assez nombreux, d'où il faut conclure qu'il se passe là un phénomène dont on n'a pas la clé, car il n'y a pas d'effet sans cause ; c'est cette cause que nous allons essayer de chercher, et c'est encore le Spiritisme, clé lui-même de tant de mystères, qui nous la fournira, et qui, de plus, nous montrera que le fait même des prédictions ne sort pas des lois naturelles.

Prenons, comme comparaison, un exemple dans les choses usuelles, et qui aidera à faire comprendre le principe que nous aurons à développer.

2.- Supposons un homme placé sur une haute montagne et considérant la vaste étendue de la plaine. Dans cette situation, l'espace d'une lieue sera peu de chose, et il pourra facilement embrasser d'un seul coup d'oeil tous les accidents du terrain, depuis le commencement jusqu'à la fin de la route. Le voyageur qui suit cette route pour la première fois sait qu'en marchant, il arrivera au bout : c'est là une simple prévision de la conséquence de sa marche ; mais les accidents du terrain, les montées et les descentes, les rivières à franchir, les bois à traverser, les précipices où il peut tomber, les voleurs apostés pour le dévaliser, les maisons hospitalières où il pourra se reposer, tout cela est indépendant de sa personne : c'est pour lui l'inconnu, l'avenir, parce que sa vue ne s'étend pas au-delà du petit cercle qui l'entoure. Quant à la durée, il la mesure par le temps qu'il met à parcourir le chemin ; ôtez-lui les points de repère et la durée s'efface. Pour l'homme qui est sur la montagne et qui suit de l'oeil le voyageur, tout cela est le présent. Supposons que cet homme descende auprès du voyageur et lui dise : « A tel moment vous rencontrerez telle chose, vous serez attaqué et secouru, » il lui prédira l'avenir ; l'avenir est pour le voyageur ; pour l'homme de la montagne, cet avenir est le présent.

3.- Si nous sortons maintenant du cercle des choses purement matérielles, et si nous entrons, par la pensée, dans le domaine de la vie spirituelle, nous verrons ce phénomène se produire sur une plus grande échelle. Les Esprits dématérialisés sont comme l'homme de la montagne ; l'espace et la durée s'effacent pour eux. Mais l'étendue et la pénétration de leur vue sont proportionnées à leur épuration et à leur élévation dans la hiérarchie spirituelle ; ils sont, par rapport aux Esprits intérieurs, comme l'homme armé d'un puissant télescope, à côté de celui qui n'a que ses yeux. Chez ces derniers, la vue est circonscrite, non seulement parce qu'ils ne peuvent que difficilement s'éloigner du globe auquel ils sont attachés, mais parce que la grossièreté de leur périsprit voile les choses éloignées, comme le fait un brouillard pour les yeux du corps.

On comprend que, selon le degré de perfection, un Esprit puisse embrasser une période de quelques années, de quelques siècles et même de plusieurs milliers d'années, car qu'est-ce qu'un siècle en présence de l'infini ? Les événements ne se déroulent point successivement devant lui, comme les incidents de la route du voyageur : il voit simultanément le commencement et la fin de la période ; tous les événements qui, dans cette période, sont l'avenir pour l'homme de la terre, sont pour lui le présent. Il pourrait donc venir nous dire avec certitude : Telle chose arrivera à telle époque, parce qu'il voit cette chose comme l'homme de la montagne voit ce qui attend le voyageur sur la route ; s'il ne le fait pas, c'est parce que la connaissance de l'avenir serait nuisible à l'homme ; elle entraverait son libre arbitre ; elle le paralyserait dans le travail qu'il doit accomplir pour son progrès ; le bien et le mal qui l'attendent, étant dans l'inconnu, sont pour lui l'épreuve.

Si une telle faculté, même restreinte, peut être dans les attributs de la créature, à quel degré de puissance ne doit-elle pas s'élever dans le Créateur, qui embrasse l'infini ? Pour lui, le temps n'existe pas : le commencement et la fin des mondes sont le présent. Dans cet immense panorama, qu'est la durée de la vie d'un homme, d'une génération, d'un peuple ?

4.- Cependant, comme l'homme doit concourir au progrès général, et que certains événements doivent résulter de sa coopération, il peut être utile, dans des cas spéciaux, qu'il soit pressenti sur ces événements, afin qu'il en prépare les voies et se tienne prêt à agir quand le moment sera venu ; c'est pourquoi Dieu permet parfois qu'un coin du voile soit soulevé ; mais c'est toujours dans un but utile, et jamais pour satisfaire une vaine curiosité. Cette mission peut donc être donnée, non à tous les Esprits, puisqu'il en est qui ne connaissent pas mieux l'avenir que les hommes, mais à quelques Esprits suffisamment avancés pour cela ; or il est à remarquer que ces sortes de révélations sont toujours faites spontanément, et jamais, ou bien rarement du moins, en réponse à une demande directe.

5.- Cette mission peut également être dévolue à certains hommes, et voici de quelle manière :

Celui à qui est confié le soin de révéler une chose cachée peut en recevoir, à son insu, l'inspiration des Esprits qui la connaissent, et alors il la transmet machinalement, sans s'en rendre compte. On sait en outre que, soit pendant le sommeil, soit à l'état de veille, dans les extases de la double vue, l'âme se dégage et possède à un degré plus ou moins grand les facultés de l'Esprit libre. Si c'est un Esprit avancé, s'il a surtout, comme les prophètes, reçu une mission spéciale à cet effet, il jouit, dans les moments d'émancipation de l'âme, de la faculté d'embrasser par lui-même, une période plus ou moins étendue, et voit, comme présents, les événements de cette période. Il peut alors les révéler à l'instant même, ou en conserver la mémoire à son réveil. Si ces événements doivent rester dans le secret, il en perdra le souvenir ou il ne lui en restera qu'une vague intuition, suffisante pour le guider instinctivement.

6.- C'est ainsi qu'on voit cette faculté se développer providentiellement dans certaines occasions, dans les dangers imminents, dans les grandes calamités, dans les révolutions, et que la plupart des sectes persécutées ont eu de nombreux voyants ; c'est encore ainsi que l'on voit de grands capitaines marcher résolument à l'ennemi, avec la certitude de la victoire ; des hommes de génie, comme Christophe Colomb, par exemple, poursuivre un but en prédisant, pour ainsi dire, le moment où ils l'atteindront ; c'est qu'ils ont vu ce but, qui n'est pas l'inconnu pour leur Esprit.

Le don de prédiction n'est donc pas plus surnaturel qu'une foule d'autres phénomènes ; il repose sur les propriétés de l'âme et la loi des rapports du monde visible et du monde invisible que le Spiritisme vient faire connaître.

Cette théorie de la prescience ne résout peut-être pas d'une manière absolue tous les cas que peut présenter la révélation de l'avenir, mais on ne peut disconvenir qu'elle en pose le principe fondamental.

7.- Souvent, les personnes douées de la faculté de prévoir, dans l'état exotique ou somnambulique, voient les événements se dessiner comme dans un tableau. Ceci pourrait aussi s'expliquer par la photographie de la pensée. Un événement étant dans la pensée des Esprits qui travaillent à son accomplissement, ou dans celle des hommes dont les actes doivent le provoquer, cette pensée, traversant l'espace comme les sons traversent l'air, peut faire image pour le voyant ; mais, comme la réalisation peut en être hâtée ou retardée par un concours de circonstances, il voit la chose sans pouvoir en préciser le moment. Parfois même, cette pensée peut n'être qu'un projet, un désir qui peuvent n'avoir pas de suite ; de là les erreurs fréquentes de fait et de date dans les prévisions. (Chap. XIV, n° 13 et suivants).

8.- Pour comprendre les choses spirituelles, c'est-à-dire pour s'en faire une idée aussi nette que celle que nous nous faisons d'un paysage qui est sous nos yeux, il nous manque véritablement un sens, exactement comme à l'aveugle il manque le sens nécessaire pour comprendre les effets de la lumière, des couleurs et de la vue sans le contact. Aussi, n'est-ce que par un effort de l'imagination que nous y parvenons, et à l'aide de comparaisons puisées dans les choses qui nous sont familières. Mais des choses matérielles ne peuvent donner que des idées très imparfaites des choses spirituelles ; c'est pour cela qu'il ne faudrait pas prendre ces comparaisons à la lettre, et croire, par exemple, que l'étendue des facultés perceptives des Esprits tient à leur élévation effective, et qu'ils ont besoin d'être sur une montagne ou au-dessus des nuages pour embrasser le temps ou l'espace.

Cette faculté est inhérente à l'état de spiritualisation, ou, si l'on veut, de dématérialisation ; c'est-à-dire que la spiritualisation produit un effet que l'on peut comparer, quoique très imparfaitement, à celui de la vue d'ensemble de l'homme qui est sur la montagne. Cette comparaison avait simplement pour but de montrer que des événements qui sont dans l'avenir pour les uns, sont dans le présent pour d'autres, et peuvent ainsi être prédits, ce qui n'implique pas que l'effet se produise de la même manière.

Pour jouir de cette perception, l'Esprit n'a donc pas besoin de se transporter sur un point quelconque de l'espace ; celui qui est sur la terre, à nos côtés, peut la posséder dans sa plénitude, tout aussi bien que s'il en était à mille lieues, tandis que nous ne voyons rien en dehors de l'horizon visuel. La vue, chez les Esprits, ne se produisant pas de la même manière ni avec les mêmes éléments que chez l'homme, leur horizon visuel est tout autre ; or c'est précisément là le sens qui nous manque pour le concevoir ; l'Esprit, à côté de l'incarné est comme le voyant à côté d'un aveugle.

9.- Il faut bien se figurer, en outre, que cette perception ne se borne pas à l'étendue, mais qu'elle comprend la pénétration de toutes choses ; c'est, nous le répétons, une faculté inhérente et proportionnée à l'état de dématérialisation. Cette faculté est amortie par l'incarnation, mais elle n'est pas complètement annulée, parce que l'âme n'est pas enfermée dans le corps comme dans une boîte. L'incarné la possède, quoique toujours à un moindre degré que lorsqu'il est entièrement dégagé ; c'est ce qui donne à certains hommes une puissance de pénétration qui manque totalement à d'autres, une plus grande justesse dans le coup d'oeil moral, une compréhension plus facile des choses extramatérielles.

Non seulement l'Esprit incarné perçoit, mais il se souvient de ce qu'il a vu à l'état d'Esprit, et ce souvenir est comme un tableau qui se retrace à sa pensée. Dans l'incarnation, il voit, mais vaguement et comme à travers un voile ; à l'état de liberté il voit et conçoit clairement. Le principe de la vue n'est pas hors de lui, mais en lui ; c'est pour cela qu'il n'a pas besoin de notre lumière extérieure. Par le développement moral, le cercle des idées et de la conception s'élargit ; par la dématérialisation graduelle du périsprit, celui-ci se purifie des éléments grossiers qui altéraient la délicatesse des perceptions ; d'où il est aisé de comprendre que l'extension de toutes les facultés suit le progrès de l'Esprit.

10.- C'est le degré de l'extension des facultés de l'Esprit qui, dans l'incarnation, le rend plus ou moins apte à concevoir les choses spirituelles. Toutefois, cette aptitude n'est pas la conséquence nécessaire du développement de l'intelligence ; la science vulgaire ne la donne pas : c'est pour cela qu'on voit des hommes d'un grand savoir, aussi aveugles pour les choses spirituelles que d'autres le sont pour les choses matérielles ; ils y sont réfractaires, parce qu'ils ne les comprennent pas ; cela tient à ce que leur progrès ne s'est pas encore accompli dans ce sens, tandis qu'on voit des personnes d'une instruction et d'une intelligence vulgaires les saisir avec la plus grande facilité, ce qui prouve qu'elles en avaient l'intuition préalable. C'est chez elles, un souvenir rétrospectif de ce qu'elles ont vu et su, soit dans l'erraticité, soit dans leurs existences antérieures comme d'autres ont l'intuition des langues et des sciences qu'elles ont possédées.

11.- Quant à l'avenir du Spiritisme, les Esprits, comme on le sait, sont unanimes pour en affirmer le triomphe prochain, malgré les entraves qu'on lui oppose ; cette prévision leur est facile, d'abord, parce que sa propagation est leur oeuvre personnelle : concourant au mouvement ou le dirigeant, ils savent, par conséquent, ce qu'ils doivent en faire ; en second lieu, il leur suffit d'embrasser une période de courte durée, et, dans cette période, ils voient les puissants auxiliaires que Dieu lui suscite, et qui ne tarderont pas à se manifester.

Sans être Esprits désincarnés, que les Spirites se portent seulement à trente ans en avant au milieu de la génération qui s'élève ; que, de là, ils considèrent ce qui se passe aujourd'hui ; qu'ils en suivent la marche progressive, et ils verront se consumer en vains efforts ceux qui se croient appelés à le renverser ; ils les verront peu à peu disparaître de la scène, à côté de l'arbre qui grandit et dont les racines s'étendent chaque jour davantage.

12.- Les événements vulgaires de la vie privée sont, le plus souvent, la conséquence de la manière d'agir de chacun : tel réussira suivant ses capacités, son savoir-faire, sa persévérance, sa prudence, et son énergie, où un autre échouera par son insuffisance ; de sorte qu'on peut dire que chacun est l'artisan de son propre avenir, lequel n'est jamais soumis à une aveugle fatalité indépendante de sa personne. Connaissant le caractère d'un individu, on peut aisément lui prédire le sort qui l'attend dans la route où il s'engage.

13.- Les événements qui touchent aux intérêts généraux de l'humanité sont réglés par la Providence. Quand une chose est dans les desseins de Dieu, elle doit s'accomplir quand même, soit par un moyen, soit par autre. Les hommes concourent à son exécution, mais aucun n'est indispensable, autrement Dieu lui-même serait à la merci de ses créatures. Si celui à qui incombe la mission de l'exécuter fait défaut, un autre en est chargé. Il n'y a point de mission fatale ; l'homme est toujours libre de remplir celle qui lui est confiée et qu'il a volontairement acceptée ; s'il ne le fait pas, il en perd le bénéfice, et il assume la responsabilité des retards qui peuvent être le fait de sa négligence ou de son mauvais vouloir ; s'il devient un obstacle à son accomplissement, Dieu peut le briser d'un souffle.

14.- Le résultat final d'un événement peut donc être certain, parce qu'il est dans les vues de Dieu ; mais comme, le plus souvent, les détails et le mode d'exécution sont subordonnés aux circonstances et au libre arbitre des hommes, les voies et moyens peuvent être éventuels. Les Esprits peuvent nous pressentir sur l'ensemble, s'il est utile que nous en soyons prévenus ; mais, pour préciser le lieu et la date, il faudrait qu'ils connussent d'avance la détermination que prendra tel ou tel individu ; or, si cette détermination n'est pas encore dans sa pensée, selon ce qu'elle sera, elle peut hâter ou retarder le dénouement, modifier les moyens secondaires d'action, tout en aboutissant au même résultat. C'est ainsi, par exemple, que les Esprits peuvent, par l'ensemble des circonstances, prévoir qu'une guerre est plus ou moins prochaine, qu'elle est inévitable, sans pouvoir prédire le jour où elle commencera, ni les incidents de détails qui peuvent être modifiés par la volonté des hommes.

15.- Pour la fixation de l'époque des événements futurs, il faut, en outre, tenir compte d'une circonstance inhérente à la nature même des Esprits.

Le temps, de même que l'espace, ne peut être évalué qu'à l'aide de points de comparaison ou de repère qui le divisent en périodes que l'on peut compter. Sur la terre, la division naturelle du temps en jours et en années est marquée par le lever et le coucher du soleil, et par la durée du mouvement de translation de la terre. Les unités de mesure du temps doivent varier selon les mondes, puisque les périodes astronomiques sont différentes ; c'est ainsi, par exemple, que dans Jupiter, les jours équivalent à dix de nos heures, et les années à près de douze années terrestres.

Il y a donc pour chaque monde une manière différente de supputer la durée, suivant la nature des révolutions astrales qui s'y accomplissent ; ce serait déjà une difficulté pour la détermination de nos dates par des Esprits qui ne connaîtraient pas notre monde. Mais, en dehors des mondes, ces moyens d'appréciation n'existent pas. Pour un Esprit, dans l'espace, il n'y a ni lever ni coucher de soleil marquant les jours, ni révolution périodique marquant les années ; il n'y a pour lui que la durée et l'espace infinis (Chap. VI, n° 1 et suivants). Celui donc qui ne serait jamais venu sur la terre n'aurait aucune connaissance de nos calculs, qui, du reste, lui seraient complètement inutiles ; il y a plus : celui qui n'aurait jamais été incarné sur aucun monde n'aurait aucune notion des fractions de la durée. Lorsqu'un Esprit étranger à la terre vient s'y manifester il ne peut assigner de date aux événements qu'en s'identifiant avec nos usages, ce qui est sans doute en son pouvoir, mais ce que, le plus souvent, il ne juge pas utile de faire.

16.- Les Esprits, qui composent la population invisible de notre globe, où ils ont déjà vécu et où ils continuent de vivre au milieu de nous, sont naturellement identifiés avec nos habitudes, dont ils emportent le souvenir dans l'erraticité. Ils pourraient, par conséquent, plus facilement assigner une date aux événements futurs lorsqu'ils la connaissent ; mais, outre que cela ne leur est pas toujours permis, ils en sont empêchés par cette raison que toutes les fois que les circonstances de détail sont subordonnées au libre arbitre et à la décision éventuelle de l'homme, la date précise n'existe réellement que lorsque l'événement est accompli.

Voilà pourquoi les prédictions circonstanciées ne peuvent offrir de certitude, et ne doivent être acceptées que comme des probabilités, alors même qu'elles ne porteraient pas avec elles un cachet de légitime suspicion. Aussi les Esprits vraiment sages ne prédisent jamais rien à époques fixes ; ils se bornent à nous pressentir sur l'issue des choses qu'il nous est utile de connaître. Insister pour avoir des détails précis, c'est s'exposer aux mystifications des Esprits légers, qui prédisent tout ce qu'on veut, sans se soucier de la vérité, et s'amusent des frayeurs et des déceptions qu'ils causent.

17.- La forme assez généralement employée jusqu'ici pour les prédictions en fait de véritables énigmes, souvent indéchiffrables. Cette forme mystérieuse et cabalistique, dont Nostradamus offre le type le plus complet, leur donne un certain prestige aux yeux du vulgaire, qui leur attribue d'autant plus de valeur, qu'elles sont plus incompréhensibles. Par leur ambiguïté, elles se prêtent à des interprétations très différentes ; de telle sorte que, selon le sens attribué à certains mots allégoriques ou de convention, selon la manière de supputer le calcul bizarrement compliqué des dates, et avec un peu de bonne volonté, on y trouve à peu près tout ce qu'on veut.

Quoi qu'il en soit, on ne peut disconvenir que quelques-unes ont un caractère sérieux, et confondent par leur véracité. Il est probable que cette forme voilée a eu, dans un temps, sa raison d'être et même sa nécessité.

Aujourd'hui, les circonstances ne sont plus les mêmes ; le positivisme du siècle s'accommoderait peu du langage sibyllin. Aussi, les prédictions de nos jours n'affectent plus ces formes étranges ; celles que font les Esprits n'ont rien de mystique ; ils parlent le langage de tout le monde, comme ils l'eussent fait de leur vivant, parce qu'ils n'ont pas cessé d'appartenir à l'humanité ; ils nous pressentent sur les choses futures, personnelles ou générales, lorsque cela peut être utile, dans la mesure de la perspicacité dont ils sont doués, comme le feraient des conseillers ou des amis. Leurs prévisions sont donc plutôt des avertissements, qui n'ôtent rien au libre arbitre, que des prédictions proprement dites qui impliqueraient une fatalité absolue. Leur opinion est, en outre, presque toujours motivée, parce qu'ils ne veulent pas que l'homme annihile sa raison sous une foi aveugle, ce qui permet d'en apprécier la justesse.

18.- L'humanité contemporaine a aussi ses prophètes ; plus d'un écrivain, poète, littérateur, historien ou philosophe, a pressenti, dans ses écrits, la marche future des choses que l'on voit se réaliser aujourd'hui.

Cette aptitude tient souvent, sans doute, à la rectitude du jugement qui déduit les conséquences logiques du présent ; mais souvent aussi elle est le résultat d'une clairvoyance spéciale inconsciente, ou d'une inspiration étrangère. Ce que ces hommes ont fait de leur vivant, ils peuvent à plus forte raison le faire, et avec plus d'exactitude à l'état d'Esprit, alors que la vue spirituelle n'est plus obscurcie par la matière.




CHAPITRE XVII - Prédictions de l'Evangile



NUL N'EST PROPHETE EN SON PAYS.

1.- Et étant venu en son pays, il les instruisait dans leurs synagogues, de sorte qu'étant saisis d'étonnement, ils disaient : D'où sont venus à celui-ci cette sagesse et ces miracles ? - N'est-ce pas le fils de ce charpentier ? Sa mère ne s'appelle-t-elle pas Marie, et ses frères Jacques, Joseph, Simon et Jude ? Et ses soeurs ne sont-elles pas toutes parmi nous ? Et ainsi ils prenaient de lui un sujet de scandale. Mais Jésus leur dit : Un prophète n'est sans honneur que dans son pays et dans sa maison. - Et il ne fit pas là beaucoup de miracles, à cause de leur incrédulité (Saint Matthieu, ch. XIII, v. de 54 à 58).

2.- Jésus énonçait là une vérité passée en proverbe, qui est de tous les temps, et à laquelle on pourrait donner plus d'extension en disant que nul n'est prophète de son vivant.

Dans le langage usuel, cette maxime s'entend du crédit dont un homme jouit parmi les siens et ceux au milieu desquels il vit, de la confiance qu'il leur inspire par la supériorité du savoir et de l'intelligence. Si elle souffre des exceptions, elles sont rares, et, dans tous les cas, elles ne sont jamais absolues ; le principe de cette vérité est une conséquence naturelle de la faiblesse humaine, et peut s'expliquer ainsi :

L'habitude de se voir depuis l'enfance, dans les circonstances vulgaires de la vie, établit entre les hommes une sorte d'égalité matérielle qui fait que, souvent, on se refuse à reconnaître une supériorité morale en celui dont on a été le compagnon ou le commensal, qui est sorti du même milieu et dont on a vu les premières faiblesses ; l'orgueil souffre de l'ascendant qu'il est obligé de subir. Quiconque au-dessus du niveau commun est toujours en butte à la jalousie et à l'envie ; ceux qui se sentent incapables d'atteindre à sa hauteur s'efforcent de le rabaisser par le dénigrement, la médisance et la calomnie ; ils crient d'autant plus fort qu'ils se voient plus petits, croyant se grandir et l'éclipser par le bruit qu'ils font. Telle a été et telle sera l'histoire de l'humanité, tant que les hommes n'auront pas compris leur nature spirituelle et n'auront pas élargi leur horizon moral ; aussi ce préjugé est-il le propre des esprits étroits et vulgaires, qui rapportent tout à leur personnalité.

D'un autre côté, on se fait généralement des hommes, que l'on ne connaît que par leur esprit, un idéal qui grandit avec l'éloignement des temps et des lieux. On les dépouille presque de l'humanité ; il semble qu'ils ne doivent ni parler ni sentir comme tout le monde ; que leur langage et leurs pensées doivent être constamment au diapason de la sublimité, sans songer que l'esprit ne saurait être incessamment tendu, et dans un état perpétuel de surexcitation. Dans le contact journalier de la vie privée, on voit trop l'homme matériel, que rien ne distingue du vulgaire. L'homme corporel, qui frappe les sens, efface presque l'homme spirituel, qui ne frappe que l'esprit ; de loin, on ne voit que les éclairs du génie ; de près, on voit les repos de l'esprit.

Après la mort, la comparaison n'existant plus, l'homme spirituel reste seul, et il paraît d'autant plus grand, que le souvenir de l'homme corporel est plus éloigné. Voilà pourquoi les hommes qui ont marqué leur passage sur la terre par des oeuvres d'une valeur réelle, sont plus appréciés après leur mort que de leur vivant. Ils sont jugés avec plus d'impartialité, parce que les envieux et les jaloux ayant disparu, les antagonismes personnels n'existent plus. La postérité est un juge désintéressé qui apprécie l'oeuvre de l'esprit, l'accepte sans enthousiasme aveugle si elle est bonne, la rejette sans haine si elle est mauvaise, abstraction faite de l'individualité qui l'a produite.

Jésus pouvait d'autant moins échapper aux conséquences de ce principe, inhérent à la nature humaine, qu'il vivait dans un milieu peu éclairé, et parmi des hommes, tout entiers à la vie matérielle. Ses compatriotes ne voyaient en lui que le fils du charpentier, le frère d'hommes aussi ignorants qu'eux, et ils se demandaient ce qui pouvait le rendre supérieur à eux et lui donner le droit de les censurer ; aussi, en voyant que sa parole avait moins de crédit sur les siens, qui le méprisaient, que sur les étrangers, il alla prêcher parmi ceux qui l'écoutaient, au milieu desquels il trouvait de la sympathie.

On peut juger de quels sentiments ses proches étaient animés envers lui par ce fait, que ses propres frères, accompagnés de sa mère, vinrent dans une assemblée où il se trouvait, pour se saisir de lui, disant qu'il avait perdu l'esprit. (Saint Marc, ch. III, v. 20, 21, et de 31 à 35. - Evangile selon le Spiritisme, ch. XIV.)

Ainsi, d'un autre côté, les prêtres et les pharisiens accusaient Jésus d'agir par le démon ; de l'autre, il était taxé de folie par ses plus proches parents. N'est-ce pas ainsi qu'on en use de nos jours à l'égard des spirites, et ceux-ci doivent-ils se plaindre de n'être pas mieux traités par leurs concitoyens que ne le fût Jésus ? Ce qui n'avait rien d'étonnant il y a deux mille ans, chez un peuple ignorant, est plus étrange au dix-neuvième siècle chez les nations civilisées.




MORT ET PASSION DE JESUS

3.- (Après la guérison du lunatique). - Tous furent étonnés de la grande puissance de Dieu. Et lorsque tout le monde était dans l'admiration de ce que faisait Jésus, il dit à ses disciples : Mettez bien dans votre coeur ce que je vais vous dire. Le fils de l'homme doit être livré entre les mains des hommes. - Mais ils n'entendaient point ce langage ; il leur était tellement caché, qu'ils n'y comprenaient rien, et ils appréhendaient même de l'interroger à ce sujet (Saint Luc, ch. IX, v. 44, 45).

4.- Dès lors, Jésus commença à découvrir à ses disciples qu'il fallait qu'il allât à Jérusalem ; qu'il y souffrit beaucoup de la part des sénateurs, des scribes et des princes des prêtres ; qu'il fût mis à mort, et qu'il ressuscitât le troisième jour (Saint Matthieu, ch. XVI, v. 21).

5.- Lorsqu'ils étaient en Galilée, Jésus leur dit : Le Fils de l'homme doit être livré entre les mains des hommes ; - et ils le feront mourir, et il ressuscitera le troisième jour : ce qui les affligea extrêmement (Saint Matthieu, XVI, v. 21, 22).

6.- Or Jésus, s'en allant à Jérusalem, il prit à part ses douze disciples, et leur dit : Nous allons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré aux princes des prêtres et aux scribes, qui le condamneront à mort, - et le livreront aux gentils, afin qu'ils le traitent avec moquerie, et qu'ils le fouettent et le crucifient ; et il ressuscitera le troisième jour (Saint Matthieu, ch. XX, v. 17, 18, 19).

7.- Ensuite Jésus, prenant à part les douze apôtres, leur dit : Voici, nous allons à Jérusalem, et tout ce qui a été écrit par les prophètes touchant le Fils de l'homme va être accompli ; - Car il sera livré aux gentils ; on se moquera de lui, on le fouettera, on lui crachera au visage. - Et après qu'on l'aura fouetté on le fera mourir, et il ressuscitera le troisième jour.

Mais ils ne comprirent rien à tout cela : ce langage leur était caché, et ils n'entendaient point ce qu'il leur disait (Saint Luc, ch. XVIII, v. 31 à 34).

8.- Jésus, ayant achevé tous ces discours, dit à ses disciples : Vous savez que la Pâque se fera dans deux jours, et que le Fils de l'homme sera livré pour être crucifié.

Au même temps, les princes des prêtres et les anciens du peuple s'assemblèrent dans la cour du grand prêtre, appelé Caïphe, - et tinrent conseil ensemble pour trouver moyen de se saisir adroitement de Jésus, et de le faire mourir. - Et ils disaient : Il ne faut pas que ce soit pendant la fête, de peur qu'il ne s'excite quelque tumulte parmi le peuple (Saint Matthieu, ch. XXVI, v. 1 à 5).

9.- Le même jour, quelques-uns des pharisiens vinrent lui dire : Allez-vous-en, sortez de ce lieu, car Hérode veut vous faire mourir. - Il leur répondit : Allez dire à ce renard : J'ai encore à chasser les démons, et à rendre la santé aux malades aujourd'hui et demain, et le troisième jour je serai consommé par ma mort (Saint Luc, ch. XIII, v. 31, 32).




PERSECUTION DES APOTRES

10.- Donnez-vous garde des hommes, car ils vous feront comparaître dans leurs assemblées, et ils vous feront fouetter dans leurs synagogues ; et vous serez présentés, à cause de moi, aux gouvernements et aux rois, pour leur servir de témoignage, aussi bien qu'aux nations (Saint Matthieu, ch. X, v. 17, 18).

11.- Ils vous chasseront des synagogues ; et le temps vient où quiconque vous fera mourir croira faire une chose agréable à Dieu. - Ils vous traiteront de la sorte, parce qu'ils ne connaissent ni mon Père ni moi. - Or, je vous dis ces choses afin que lorsque le temps sera venu, vous vous souveniez que je vous les ai dites (Saint Jean, ch. XVI, v. 1 à 4).

12.- Vous serez trahis et livrés aux magistrats par vos pères et vos mères, par vos frères, par vos parents, par vos amis, et l'on fera mourir plusieurs d'entre vous ; - et vous serez haïs de tout le monde, à cause de mon nom. - Cependant, il ne se perdra pas un cheveu de votre tête. - C'est par votre patience que vous posséderez vos âmes (Saint Luc, ch. XXI, v. 16 à 19).

13.- (Martyre de Saint Pierre). En vérité, en vérité, je vous le dis, lorsque vous étiez plus jeune, vous vous ceigniez vous-même et vous alliez où vous vouliez ; mais lorsque vous serez vieux, vous étendrez vos mains, et un autre vous ceindra et vous mènera où vous ne voudriez pas. - Or, il disait cela pour marquer par quelle mort il devait glorifier Dieu (Saint Jean, ch. XXI, v. 18, 19).




VILLES IMPENITENTES

14.- Alors il commença à faire des reproches aux villes dans lesquelles il avait fait beaucoup de miracles, de ce qu'elles n'avaient point fait pénitence.

Malheur à toi, Corozaïn, malheur à toi Bethsaïde, parce que, si les miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, il y a longtemps qu'elles auraient fait pénitence dans le sac et dans la cendre. - C'est pourquoi je vous déclare qu'au jour du jugement, Tyr et Sidon seront traitées moins rigoureusement que vous.

Et toi, Capharnaüm, t'élèveras-tu toujours jusqu'au ciel ? Tu seras abaissée jusqu'au fond de l'enfer, parce que, si les miracles qui ont été faits au milieu de toi avaient été faits dans Sodome, elle subsisterait peut-être encore aujourd'hui. - C'est pourquoi je te déclare qu'au jour du jugement, le pays de Sodome sera traité moins rigoureusement que toi (Saint Matth., ch. XI, v. de 20 à 24).




RUINE DU TEMPLE ET DE JERUSALEM

15.- Lorsque Jésus sortit du Temple pour s'en aller, ses disciples s'approchèrent de lui pour lui faire remarquer la structure et la grandeur de cet édifice. - Mais il leur dit : Voyez-vous tous ces bâtiments ? Je vous le dis, en vérité, ils seront tellement détruits, qu'il n'y demeurera pas pierre sur pierre (Saint Matth., ch. XXIV, v. 1, 2).



16.- Etant ensuite arrivé proche de Jérusalem, et regardant la ville il pleura sur elle en disant : - Ah ! si tu reconnaissais au moins en ce jour, qui t'est encore donné, ce qui peut te procurer la paix ! Mais maintenant tout cela est caché à tes yeux. - Aussi viendra-t-il un temps, malheureux pour toi, où tes ennemis t'environneront de tranchées, où ils t'enfermeront et te serreront de toutes parts ; - ils te renverseront par terre, toi et tes enfants qui sont au milieu de toi, et ils ne te laisseront pas pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps auquel Dieu t'a visitée (Saint Luc, ch. XIX, v. de 41 à 44).

17.- Cependant il faut que je continue à marcher aujourd'hui et demain, et le jour d'après, car il ne faut pas qu'un prophète souffre la mort ailleurs que dans Jérusalem.

Jérusalem, Jérusalem qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui sont envoyés vers toi, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu ne l'as pas voulu. - Le temps s'approche où votre maison demeurera déserte. Or, je vous dis, en vérité, que vous ne me verrez plus désormais, jusqu'à ce que vous disiez : Bénit soit celui qui vient au nom du Seigneur (Saint Luc, ch. XIII, v. 33, 34, 35).

18.- Lorsque vous verrez une armée environner Jérusalem, sachez que sa désolation est proche. - Alors, que ceux qui sont dans la Judée s'enfuient sur les montagnes ; que ceux qui seront dans le pays d'alentour n'y entrent point. - Car ce seront alors les jours de la vengeance ; afin que tout ce qui est dans l'Ecriture soit accompli. - Malheur à celles qui seront grosses ou nourrices en ces jours-là, car ce pays sera accablé de maux, et la colère du ciel tombera sur ce peuple. - Ils passeront par le fil de l'épée ; ils seront emmenés captifs dans toutes les nations, et Jérusalem sera foulée aux pieds par les gentils, jusqu'à ce que le temps des nations soit accompli (Saint Luc, ch. XXI, v. de 20 à 24).

19.- (Jésus marchant au supplice). Or, il était suivi d'une grande multitude de peuple et de femmes qui se frappaient la poitrine et qui pleuraient. - Mais Jésus, se retournant, leur dit : Filles de Jérusalem, ne pleurez point sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes, et sur vos enfants ; - car il viendra un temps auquel on dira : Heureuses les stériles et les entrailles qui n'ont point porté d'enfants et les mamelles qui n'ont point nourri. - Ils commenceront alors à dire aux montagnes : Tombez sur nous ! et aux collines : Couvrez-nous ! - Car s'ils traitent de la sorte le bois vert, comment le bois sec sera-t-il traité ? (Saint Luc, ch. XXIII, v. de 27 à 31).

20.- La faculté de pressentir les choses futures est un des attributs de l'âme, et s'explique par la théorie de la prescience. Jésus la possédait, comme toutes les autres, à un degré éminent. Il a donc pu prévoir les événements qui suivraient sa mort, sans qu'il y ait dans ce fait rien de surnaturel, puisqu'on le voit se reproduire sous nos yeux dans les conditions les plus vulgaires. Il n'est pas rare que des individus annoncent avec précision l'instant de leur mort : c'est que leur âme, à l'état de dégagement, est comme l'homme de la montagne (Chap. XVI, n° l) ; elle embrasse la route à parcourir et en voit le terme.

21.- Il devait d'autant mieux en être ainsi de Jésus, qu'ayant conscience de la mission qu'il venait remplir, il savait que la mort par le supplice en était la conséquence nécessaire. La vue spirituelle, qui était permanente chez lui, ainsi que la pénétration de la pensée, devait lui en montrer les circonstances et l'époque fatale. Par la même raison, il pouvait prévoir la ruine du Temple, celle de Jérusalem, les malheurs qui allaient frapper ses habitants, et la dispersion des Juifs.




MALEDICTION AUX PHARISIENS

22.- (Jean-Baptiste.) Voyant plusieurs des pharisiens et des saducéens qui venaient à son baptême, il leur dit : Race de vipères, qui vous a appris à fuir la colère qui doit tomber sur vous ? - Faites donc de dignes fruits de pénitence ; et ne pensez pas dire en vous mêmes : Nous avons Abraham pour père ; car je vous déclare que Dieu peut faire naître de ces pierres mêmes des enfants à Abraham ; - Car la cognée est déjà mise à la racine des arbres ; tout arbre, donc, qui ne produit point de bons fruits sera coupé et jeté au feu (Saint Matth., ch. III, v. 7 à 10).

23.- Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous fermez aux hommes le royaume des cieux ; car vous n'y entrerez point vous-mêmes, et vous vous opposez encore à ceux qui désirent y rentrer !

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que, sous prétexte de vos longues prières, vous dévorez les maisons des veuves ; c'est pour cela que vous recevrez un jugement plus rigoureux !

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous courrez la mer et la terre pour faire un prosélyte, et qu'après qu'il l'est devenu, vous le rendez digne de l'enfer deux foix plus que vous !

Malheur à vous, conducteurs aveugles qui dites : Si un homme jure par le temple, ce n'est rien ; mais quiconque jure par l'or du temple est obligé à son serment ! - Insensés et aveugles que vous êtes ! Lequel doit-on plus estimer, ou l'or ou le temple qui sanctifie l'or ? - Et si un homme, dites-vous, jure par l'autel, ce n'est rien ; mais quiconque jure par le don qui est sur l'autel est obligé à son serment. - Aveugles que vous êtes ! Lequel doit-on plus estimer, ou le don, ou l'autel qui sanctifie le don ? - Celui, donc, qui jure par l'autel, jure par l'autel et par tout ce qui est dessus ; - et quiconque jure par le temple, jure par le temple et par celui qui l'habite ; - et celui qui jure par le ciel, jure par le trône de Dieu et par celui qui y est assis.

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui payez la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin, et qui avez abandonné ce qu'il y a de plus important dans la loi, savoir : la justice, la miséricorde et la foi ! C'étaient là les choses qu'il fallait pratiquer, sans néanmoins omettre les autres. - Conducteurs aveugles, qui avez grand soin de passer ce que vous buvez, de peur d'avaler un moucheron, et qui avalez un chameau !

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous nettoyez le dehors de la coupe et du plat, et vous êtes au-dedans pleins de rapines et d'impureté ! - Pharisiens aveugles ! nettoyez premièrement le dedans de la coupe et du plat, afin que le dehors soit net aussi.

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous êtes semblables à des sépulcres blanchis qui, au-dehors, paraissent beaux aux yeux des hommes, mais qui, au-dedans, sont pleins d'ossements de morts et de toutes sortes de pourriture ! - Ainsi, au-dehors, vous paraissez justes, mais, au-dedans, vous êtes pleins d'hypocrisie et d'iniquité.

Malheur à vous, scribes et pharisiens, qui bâtissez des tombeaux aux prophètes et ornez les monuments des justes, - et qui dites : Si nous eussions été du temps de nos pères, nous ne nous fussions pas joints à eux pour répandre le sang des prophètes ! - Achevez donc aussi de combler la mesure de vos pères. - Serpents, race de vipères, comment pourrez-vous éviter d'être condamnés à l'enfer ? - C'est pourquoi je vais vous envoyer des prophètes, des sages et des scribes, et vous tuerez les uns, vous crucifierez les autres, vous en fouetterez d'autres dans vos synagogues, et vous les persécuterez de ville en ville ; - afin que tout le sang innocent qui a été répandu sur la terre retombe sur vous, depuis le sang d'Abel le juste jusqu'au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tué entre le temple et l'autel ! - Je vous dis, en vérité, tout cela viendra fondre sur cette race qui est aujourd'hui (S. Matth., ch. XXIII, v. de 13 à 36).




MES PAROLES NE PASSERONT POINT

24.- Alors ses disciples, s'approchant, lui dirent : Savez-vous bien que les pharisiens, ayant entendu ce que vous venez de dire, s'en sont scandalisés ? - Mais il répondit : Toute plante que mon Père céleste n'a point plantée sera arrachée. - Laissez-les ; ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles ; si un aveugle en conduit un autre, ils tombent tous deux dans la fosse (Saint Matth., ch. XV, v. 12, 13, 14).

25.- Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point (Saint Matth., ch. XXIV, v. 35).

26.- Les paroles de Jésus ne passeront point, parce qu'elles seront vraies dans tous les temps ; son code moral sera éternel, parce qu'il renferme les conditions du bien qui conduit l'homme à sa destinée éternelle. Mais ses paroles sont-elles parvenues jusqu'à nous pures de tout alliage et de fausses interprétations ? Toutes les sectes chrétiennes en ont-elles saisi l'esprit ? Aucune n'en a-t-elle détourné le véritable sens, par suite des préjugés et de l'ignorance des lois de la nature ? Aucune ne s'en est-elle fait un instrument de domination pour servir l'ambition et les intérêts matériels, un marche-pied, non pour s'élever au ciel, mais pour s'élever sur la terre ? Toutes se sont-elles proposées pour règle de conduite la pratique des vertus dont Jésus a fait la condition expresse du salut ? Toutes sont-elles exemptes des reproches qu'il adressait aux pharisiens de son temps ? Toutes enfin, sont-elles, en théorie comme en pratique, l'expression pure de sa doctrine ?

La vérité étant une, ne peut se trouver dans des affirmations contraires, et Jésus n'a pu vouloir donner un double sens à ses paroles. Si donc les différentes sectes se contredisent ; si les unes considèrent comme vrai ce que d'autres condamnent comme des hérésies, il est impossible qu'elles soient toutes dans la vérité. Si toutes eussent pris le sens véritable de l'enseignement évangélique, elles se seraient rencontrées sur le même terrain, et il n'y aurait pas eu de sectes.

Ce qui ne passera pas, c'est le sens vrai des paroles de Jésus ; ce qui passera, c'est ce que les hommes ont bâti sur le sens faux qu'ils ont donné à ces mêmes paroles.

Jésus ayant mission d'apporter aux hommes la pensée de Dieu, sa doctrine pure peut seule être l'expression de cette pensée ; c'est pourquoi il a dit : Toute plante que mon Père céleste n'a point plantée sera arrachée.




LA PIERRE ANGULAIRE

27.- N'avez-vous jamais lu cette parole dans les Ecritures : La pierre qui a été rejetée par ceux qui bâtissaient est devenue la principale pierre de l'angle ? C'est ce que le Seigneur a fait, et nos yeux le voient avec admiration. - C'est pourquoi je vous déclare que le royaume de Dieu vous sera ôté, et qu'il sera donné à un peuple qui en produira les fruits. - Celui qui se laissera tomber sur cette pierre s'y brisera, et elle écrasera celui sur qui elle tombera.

Les princes des prêtres et les pharisiens, ayant entendu ces paroles de Jésus, connurent que c'était d'eux qu'il parlait ; - et, voulant se saisir de lui, ils appréhendèrent le peuple, parce qu'il le regardait comme un prophète (Saint Matth., ch. XXI, v. de 42 à 46).

28.- La parole de Jésus est devenue la pierre angulaire, c'est-à-dire la pierre de consolidation du nouvel édifice de la loi, élevée sur les ruines de l'ancien ; les Juifs, les princes des prêtres et les pharisiens ayant rejeté cette parole, elle les a écrasés, comme elle écrasera ceux qui, depuis, l'ont méconnue, ou qui en ont dénaturé le sens au profit de leur ambition.




PARABOLE DES VIGNERONS HOMICIDES

29.- Il y avait un père de famille qui, ayant planté une vigne, l'enferma d'une haie ; et creusant dans la terre, il y bâtit une tour ; puis l'ayant louée à des vignerons, il s'en alla dans un pays éloigné.

Or, le temps des fruits étant proche, il envoya ses serviteurs aux vignerons, pour recueillir le fruit de sa vigne. - Mais les vignerons, s'étant saisis de ses serviteurs, battirent l'un, tuèrent l'autre et en lapidèrent un autre. - Il leur envoya encore d'autres serviteurs en plus grand nombre que les premiers, et ils les traitèrent de même. - Enfin il leur envoya son propre fils, disant en lui-même : Ils auront quelque respect pour mon fils. - Mais les vignerons, voyant le fils, dirent entre eux : voici l'héritier ; venez, tuons-le, et nous serons maîtres de son héritage. - Ainsi s'étant saisis de lui, ils le jetèrent hors de la vigne, et le tuèrent.

Lors donc que le seigneur de la vigne sera venu, comment traitera-t-il ses vignerons ? - On lui répondit : Il fera périr misérablement ces méchants et louera sa vigne à d'autres vignerons, qui lui en rendront les fruits en leur saison (Saint Matth., ch. XXI, v. de 33 à 41).

30.- Le père de famille, c'est Dieu ; la vigne qu'il a plantée, c'est la loi qu'il a établie ; les vignerons auxquels il a loué sa vigne, ce sont les hommes qui doivent enseigner et pratiquer sa loi ; les serviteurs qu'il envoya vers eux, ce sont les prophètes qu'ils ont fait périr ; son fils, qu'il envoie enfin, c'est Jésus, qu'ils ont fait périr de même. Comment donc le Seigneur traitera-t-il ses mandataires prévaricateurs de sa loi ? Il les traitera comme ils ont traité ses envoyés, et en appellera d'autres qui lui rendront meilleur compte de son bien et de la conduite de son troupeau.

Ainsi en a-t-il été des scribes, des princes des prêtres et des pharisiens ; ainsi en sera-t-il quand il viendra de nouveau demander compte à chacun de ce qu'il a fait de sa doctrine ; il ôtera l'autorité à qui en aura abusé, car il veut que son champ soit administré selon sa volonté.

Après dix-huit siècles l'humanité, arrivée à l'âge viril, est mûre pour comprendre ce que le Christ n'a fait qu'effleurer, parce que, comme il le dit lui-même, il n'aurait pas été compris. Or, à quel résultat ont abouti ceux qui, pendant cette longue période, ont été chargés de son éducation religieuse ? A voir l'indifférence succéder à la foi, et l'incrédulité s'ériger en doctrine. A aucune autre époque, en effet, le scepticisme et l'esprit de négation ne furent plus répandus dans toutes les classes de la société.

Mais si quelques-unes des paroles du Christ sont voilées sous l'allégorie, pour tout ce qui concerne la règle de conduite, les rapports d'homme à homme, les principes de morale dont il fait la condition expresse du salut, il est clair, explicite et sans ambiguïté (Evangile selon le Spiritisme, ch. XV).

Qu'a-t-on fait de ses maximes de charité, d'amour et de tolérance ; des recommandations qu'il a faites à ses apôtres de convertir les hommes par la douceur et la persuasion ; de la simplicité, de l'humilité, du désintéressement et de toutes les vertus dont il a donné l'exemple ? En son nom, les hommes se sont jetés l'anathème et la malédiction ; ils se sont égorgés au nom de celui qui a dit : Tous les hommes sont frères. On a fait un Dieu jaloux, cruel, vindicatif et partial de celui qu'il a proclamé infiniment juste, bon et miséricordieux ; on a sacrifié à ce Dieu de paix et de vérité plus de milliers de victimes sur les bûchers, par la torture et les persécutions, que n'en ont jamais sacrifié les païens pour les faux dieux ; on a vendu les prières et les faveurs du ciel au nom de celui qui a chassé les vendeurs du Temple, et qui a dit à ses disciples : Donnez gratuitement ce que vous avez reçu gratuitement.

Que dirait le Christ, s'il vivait aujourd'hui parmi nous ? S'il voyait ses représentants ambitionner les honneurs, les richesses, le pouvoir et le faste des princes du monde, tandis que lui, plus roi que les rois de la terre, fit son entrée dans Jérusalem monté sur un âne ? Ne serait-il pas en droit de leur dire : Qu'avez-vous fait de mes enseignements, vous qui encensez le veau d'or, qui faites, dans vos prières, une large part aux riches et une maigre part aux pauvres, alors que je vous ai dit : Les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers dans le royaume des cieux ? Mais s'il n'y est pas charnellement, il y est en Esprit, et, comme le maître de la parabole, il viendra demander compte à ses vignerons du produit de sa vigne, quand le temps de la récolte sera venu.




UN SEUL TROUPEAU ET UN SEUL PASTEUR

31.- J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie : il faut aussi que je les amène ; elles écouteront ma voix, et il n'y aura qu'un troupeau et un pasteur (Saint Jean, ch. X, v. 16).

32.- Par ces paroles, Jésus annonce clairement qu'un jour les hommes se rallieront à une croyance unique ; mais comment cette unification pourrait-elle se faire ? La chose paraît difficile, si l'on considère les différences qui existent entre les religions, l'antagonisme qu'elles entretiennent entre leurs adeptes respectifs, leur obstination à se croire en possession exclusive de la vérité. Toutes veulent bien l'unité, mais toutes se flattent qu'elle se fera à leur profit, et aucune n'entend faire de concession à ses croyances.

Cependant, l'unité se fera en religion comme elle tend à se faire socialement, politiquement, commercialement, par l'abaissement des barrières qui séparent les peuples, par l'assimilation des moeurs, des usages, du langage ; les peuples du monde entier fraternisent déjà, comme ceux des provinces d'un même empire ; on pressent cette unité, on la désire. Elle se fera par la force des choses, parce qu'elle deviendra un besoin pour resserrer les liens de fraternité entre les nations ; elle se fera par le développement de la raison humaine qui fera comprendre la puérilité de ces dissidences ; par le progrès des sciences qui démontre chaque jour les erreurs matérielles sur lesquelles elles s'appuient, et détache peu à peu les pierres vermoulues de leurs assises. Si la science démolit, dans les religions, ce qui est l'oeuvre des hommes et le fruit de leur ignorance des lois de la nature, elle ne peut détruire, malgré l'opinion de quelques-uns, ce qui est l'oeuvre de Dieu et l'éternelle vérité ; en déblayant les accessoires, elle prépare les voies de l'unité.

Pour arriver à l'unité, les religions devront se rencontrer sur un terrain neutre, cependant commun à toutes ; pour cela, toutes auront à faire des concessions et des sacrifices plus ou moins grands, selon la multiplicité de leurs dogmes particuliers. Mais, en vertu du principe d'immuabilité qu'elles professent toutes, l'initiative des concessions ne saurait venir du camp officiel ; au lieu de prendre leur point de départ d'en haut, elles le prendront d'en bas par l'initiative individuelle. Il s'opère depuis quelque temps un mouvement de décentralisation qui tend à acquérir une force irrésistible. Le principe d'immuabilité, que les religions ont considéré jusqu'ici comme une égide conservatrice, deviendra un élément destructeur, attendu que les cultes s'immobilisant, tandis que la société marche en avant, ils seront débordés, puis absorbés dans le courant des idées de progression.

L'immobilité, au lieu d'être une force, devient une cause de faiblesse et de ruine pour qui ne suit pas le mouvement général ; elle rompt l'unité, parce que ceux qui veulent aller en avant se séparent de ceux qui s'obstinent à rester en arrière.

Dans l'état actuel de l'opinion et des connaissances, la religion qui devra rallier un jour tous les hommes, sous un même drapeau, sera celle qui satisfera le mieux la raison et les légitimes aspirations du coeur et de l'esprit ; qui ne sera sur aucun point démentie par la science positive ; qui, au lieu de s'immobiliser, suivra l'humanité dans sa marche progressive sans se laisser jamais dépasser ; qui ne sera ni exclusive ni intolérante ; qui sera émancipatrice de l'intelligence en n'admettant que la foi raisonnée ; celle dont le code de morale sera le plus pur, le plus rationnel, le plus en harmonie avec les besoins sociaux, le plus propre enfin à fonder sur la terre le règne du bien, par la pratique de la charité et de la fraternité universelles.

Ce qui entretient l'antagonisme entre les religions, c'est l'idée qu'elles ont chacune leur dieu particulier, et leur prétention d'avoir le seul vrai et le plus puissant, qui est en hostilité constante avec les dieux des autres cultes, et occupé à combattre leur influence. Quand elles seront convaincues qu'il n'y a qu'un seul Dieu dans l'univers et que, en définitive, c'est le même qu'elles adorent sous les noms de Jéhovah, Allah ou Deus ; quelles seront d'accord sur les attributs essentiels, elles comprendront qu'un être unique ne peut avoir qu'une seule volonté ; elles se tendront la main comme les serviteurs d'un même Maître et les enfants d'un même Père, et elles auront fait un grand pas vers l'unité.




AVENEMENT D'ELIE

33.- Alors, ses disciples lui demandèrent : Pourquoi donc les scribes disent-ils qu'il faut qu'Elie vienne auparavant ? - Mais Jésus leur répondit : Il est vrai qu'Elie doit venir et qu'il rétablira toutes choses.

Mais je vous le déclare qu'Elie est déjà venu, et ils ne l'ont point connu, mais ils l'ont traité comme il leur a plu. C'est ainsi qu'ils feront mourir le Fils de l'homme.

Alors, ses disciples comprirent que c'était de Jean-Baptiste qu'il leur avait parlé (Saint Matth., ch. XVII, v. de 10 à 13).

34.- Elie était déjà revenu dans la personne de Jean-Baptiste. Son nouvel avènement est annoncé d'une manière explicite ; or, comme il ne peut revenir qu'avec un corps nouveau, c'est la consécration formelle du principe de la pluralité des existences (Evangile selon le Spiritisme, ch. IV, n° 10).




ANNONCE DU CONSOLATEUR

35.- Si vous m'aimez, gardez mes commandements, - et je prierai mon Père, il vous enverra un autre Consolateur, afin qu'il demeure éternellement avec vous : - l'Esprit de Vérité, que ce monde ne peut recevoir, parce qu'il ne le voit point ; mais pour vous, vous le connaîtrez, parce qu'il demeurera avec vous, et qu'il sera en vous. - Mais le Consolateur, qui est le Saint-Esprit, que mon Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit (Saint Jean, ch. XIV, v. 15, 16, 17, 26. - Evangile selon le Spiritisme, ch. VI).

36.- Cependant je vous dis la vérité : Il vous est utile que je m'en aille ; car si je ne m'en vais point, le Consolateur ne viendra pas à vous ; mais je m'en vais, et je vous l'enverrai, - et, lorsqu'il sera venu, il convaincra le monde touchant le péché, touchant la justice et touchant le jugement : - touchant le péché, parce qu'ils n'ont pas cru en moi ; - touchant la justice, parce que je m'en vais à mon Père et que vous ne me verrez plus ; touchant le jugement, parce que le prince de ce monde est déjà jugé.

J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter présentement.

Quand cet Esprit de Vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité, car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu'il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir.

Il me glorifiera, parce qu'il recevra de ce qui est à moi, et il vous l'annoncera. (Saint Jean, ch. XVI, v. de 7 à 14).

37.- Cette prédiction est, sans contredit, l'une des plus importantes au point de vue religieux, car elle constate de la manière la moins équivoque que Jésus n'a pas dit tout ce qu'il y avait à dire, parce qu'il n'aurait pas été compris, même de ses apôtres, puisque c'est à eux qu'il s'adresse. S'il leur eût donné des instructions secrètes, ils en auraient fait mention dans l'Evangile. Dès lors qu'il n'a pas tout dit à ses apôtres, leurs successeurs n'ont pu en savoir plus qu'eux ; ils ont donc pu se méprendre sur le sens de ses paroles, donner une fausse interprétation à ses pensées, souvent voilées sous la forme parabolique. Les religions fondées sur l'Evangile ne peuvent donc se dire en possession de toute la vérité, puisqu'il s'est réservé de compléter ultérieurement ses instructions. Leur principe d'immuabilité est un démenti donné aux paroles mêmes de Jésus.

Il annonce sous le nom de Consolateur et d'Esprit de Vérité celui qui doit enseigner toutes choses et faire ressouvenir de ce qu'il a dit : donc son enseignement n'était pas complet ; de plus, il prévoit qu'on aura oublié ce qu'il a dit, et qu'on l'aura dénaturé, puisque l'Esprit de Vérité doit en faire ressouvenir, et, de concert avec Elie, rétablir toutes choses, c'est-à-dire selon la véritable pensée de Jésus.

38.- Quand ce nouveau révélateur doit-il venir ? Il est bien évident que si, à l'époque où parlait Jésus, les hommes n'étaient pas en état de comprendre les choses qui lui restaient à dire, ce n'est pas en quelques années qu'ils pouvaient acquérir les lumières nécessaires. Pour l'intelligence de certaine partie de l'Evangile, à l'exception des préceptes de morale, il fallait des connaissances que le progrès des sciences pouvait seul donner, et qui devaient être l'oeuvre du temps et de plusieurs générations. Si donc le nouveau Messie fût venu peu de temps après le Christ, il aurait trouvé le terrain tout aussi peu propice, et il n'eût pas fait plus que lui. Or, depuis le Christ jusqu'à nos jours, il ne s'est produit aucune grande révélation qui ait complété l'Evangile, et qui en ait élucidé les parties obscures, indice certain que l'Envoyé n'avait pas encore paru.

39.- Quel doit être cet Envoyé ? Jésus disant : « Je prierai mon Père, et il vous enverra un autre Consolateur, » indique clairement que ce n'est pas lui-même, autrement il aurait dit : « Je reviendrai compléter ce que je vous ai enseigné. » Puis il ajoute : Afin qu'il demeure éternellement avec vous, et il sera en vous. Ceci ne saurait s'entendre d'une individualité incarnée qui ne peut demeurer éternellement avec nous, et encore moins être en nous, mais se comprend très bien d'une doctrine qui, en effet, lorqu'on se l'est assimilée, peut être éternellement en nous. Le Consolateur est donc, dans la pensée de Jésus, la personnification d'une doctrine souverainement consolante, dont l'inspirateur doit être l'Esprit de Vérité.

40.- Le Spiritisme réalise, comme cela a été démontré (chap. I, n° 30), toutes les conditions du Consolateur promis par Jésus. Ce n'est point une doctrine individuelle, une conception humaine ; personne ne peut s'en dire le créateur. C'est le produit de l'enseignement collectif des Esprits auquel préside l'Esprit de Vérité. Il ne supprime rien de l'Evangile : il le complète et l'élucide ; à l'aide des nouvelles lois qu'il révèle, jointes à celles de la science, il fait comprendre ce qui était inintelligible, admettre la possibilité de ce que l'incrédulité regardait comme inadmissible. Il a eu ses précurseurs et ses prophètes, qui ont pressenti sa venue. Par sa puissance moralisatrice, il prépare le règne du bien sur la terre.

La doctrine de Moïse, incomplète, est restée circonscrite dans le peuple juif ; celle de Jésus, plus complète, s'est répandue sur toute la terre par le christianisme, mais n'a pas converti tout le monde ; le Spiritisme, plus complet encore, ayant des racines dans toutes les croyances, convertira l'humanité[1].



[1]Toutes les doctrines philosophiques et religieuses portent le nom de l'individualité fondatrice ; on dit : le Mosaïsme, le Christianisme, le Mahométisme, le Bouddhisme, le Cartésianisme, le Fouriérisme, le Saint-Simonisme, etc. Le mot Spiritisme, au contraire, ne rappelle aucune personnalité ; il renferme une idée générale, qui indique à la fois le caractère et la source multiple de la doctrine.


41.- Jésus disant à ses apôtres : « Un autre viendra plus tard, qui vous enseignera ce que je ne puis vous dire maintenant, » proclamait par cela même la nécessité de la réincarnation. Comment ces hommes pouvaient-ils profiter de l'enseignement plus complet qui devait être donné ultérieurement ; comment seraient-ils plus aptes à le comprendre, s'ils ne devaient pas revivre ? Jésus eût dit une inconséquence si les hommes futurs devaient, selon la doctrine vulgaire, être des hommes nouveaux, des âmes sorties du néant à leur naissance. Admettez, au contraire, que les apôtres, et les hommes de leur temps, ont vécu depuis ; qu'ils revivent encore aujourd'hui, la promesse de Jésus se trouve justifiée ; leur intelligence, qui a dû se développer au contact du progrès social, peut porter maintenant ce qu'elle ne pouvait porter alors. Sans la réincarnation, la promesse de Jésus eût été illusoire.

42.- Si l'on disait que cette promesse fut réalisée le jour de la Pentecôte par la descente du Saint-Esprit, on répondrait que le Saint-Esprit les a inspirés, qu'il a pu ouvrir leur intelligence, développer en eux les aptitudes médianimiques qui devaient faciliter leur mission, mais qu'il ne leur a rien appris de plus que ce qu'avait enseigné Jésus, car on ne trouve nulle trace d'un enseignement spécial. Le Saint-Esprit n'a donc point réalisé ce que Jésus avait annoncé du Consolateur : autrement les apôtres auraient élucidé, dès leur vivant, tout ce qui est resté obscur dans l'Evangile jusqu'à ce jour, et dont l'interprétation contradictoire a donné lieu aux innombrables sectes qui ont divisé le christianisme dès les premiers siècles.




SECOND AVENEMENT DU CHRIST

43.- Alors Jésus dit à ses disciples : Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive ; - car celui qui voudra sauver sa vie la perdra et celui qui perdra sa vie pour l'amour de moi la retrouvera.

Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, et de perdre son âme ? Ou par quel échange l'homme pourra-t-il racheter son âme, après qu'il l'aura perdue ? - Car le Fils de l'homme doit venir dans la gloire de son Père avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon ses oeuvres.

Je vous dis, en vérité, il y en a quelques-uns de ceux qui sont ici qui n'éprouveront pas la mort qu'ils n'aient vu le Fils de l'homme venir en son règne (Saint Matth., ch. XVI, v. de 24 à 28).

44.- Alors le grand prêtre, se levant au milieu de l'assemblée, interrogea Jésus et lui dit : Vous ne répondez rien à ce que ceux-ci déposent contre vous ? - Mais Jésus demeurait dans le silence et ne répondit rien. Le grand prêtre l'interrogea encore et lui dit : Etes-vous le Christ, le Fils de Dieu béni à jamais ? - Jésus lui répondit : Je le suis, et vous verrez un jour le Fils de l'homme assis à la droite de la majesté de Dieu, et venant sur les nuées du ciel.

Aussitôt le grand prêtre, déchirant ses vêtements, leur dit : Qu'avons-nous plus besoin de témoins ? (Saint Marc, ch. XIV, v. de 60 à 63).

45.- Jésus annonce son second avènement, mais il ne dit point qu'il reviendra sur la terre avec un corps charnel, ni que le Consolateur sera personnifié en lui. Il se présente comme devant venir en Esprit, dans la gloire de son Père, juger le mérite et le démérite, et rendre à chacun selon ses oeuvres quand les temps seront accomplis.

Cette parole : « Il y en a quelques-uns de ceux qui sont ici qui n'éprouveront pas la mort qu'ils n'aient vu le Fils de l'homme venir en son règne, » semble une contradiction, puisqu'il est certain qu'il n'est venu du vivant d'aucun de ceux qui étaient présents. Jésus ne pouvait cependant se tromper dans une prévision de cette nature, et surtout pour une chose contemporaine qui le concernait personnellement ; il faut d'abord se demander si ses paroles ont toujours été bien fidèlement rendues. On peut en douter, si l'on songe qu'ils n'ont rien écrit ; qu'elles n'ont été recueillies qu'après sa mort ; et lorsqu'on voit le même discours presque toujours reproduit en termes différents dans chaque évangéliste, c'est une preuve évidente que ce ne sont pas les expressions textuelles de Jésus. Il est, en outre, probable que le sens a dû parfois être altéré en passant par des traductions successives.

D'un autre côté, il est certain que, si Jésus avait dit tout ce qu'il aurait pu dire, il se serait exprimé sur toutes choses d'une manière nette et précise qui n'eût donné lieu à aucune équivoque, comme il le fait pour les principes de morale, tandis qu'il a dû voiler sa pensée sur les sujets qu'il n'a pas jugé à propos d'approfondir. Les apôtres, persuadés que la génération présente devait être témoin de ce qu'il annonçait, ont dû interpréter la pensée de Jésus selon leur idée ; ils ont pu, par conséquent, la rédiger dans le sens du présent d'une manière plus absolue qu'il ne l'a peut-être fait lui-même. Quoi qu'il en soit, le fait est là qui prouve que les choses ne sont pas arrivées ainsi qu'ils l'ont cru.

46.- Un point capital que Jésus n'a pu développer, parce que les hommes de son temps n'étaient pas suffisamment préparés à cet ordre d'idées et à ses conséquences, mais dont il a cependant posé le principe, comme il l'a fait pour toutes choses, c'est la grande et importante loi de la réincarnation. Cette loi, étudiée et mise en lumière de nos jours par le Spiritisme, est la clef de maints passages de l'Evangile qui, sans cela, paraissent des contre-sens.

C'est dans cette loi qu'on peut trouver l'explication rationnelle des paroles ci-dessus, en les admettant comme textuelles. Puisqu'elles ne peuvent s'appliquer à la personne des apôtres, il est évident qu'elles se rapportent au règne futur du Christ, c'est-à-dire au temps où sa doctrine, mieux comprise, sera la loi universelle. En leur disant que quelques-uns de ceux qui sont présents verront son avènement, cela ne pouvait s'entendre que dans le sens qu'ils revivraient à cette époque. Mais les Juifs se figuraient qu'ils allaient voir tout ce que Jésus annonçait, et prenaient ses allégories à la lettre.

Du reste, quelques-unes de ses prédictions se sont accomplies de leur temps, telles que la ruine de Jérusalem, les malheurs qui en furent la suite, et la dispersion des Juifs ; mais Jésus porte sa vue plus loin, et en parlant du présent, il fait constamment allusion à l'avenir.




SIGNES PRECURSEURS

47.- Vous entendrez aussi parler de guerres et de bruits de guerres ; mais gardez-vous bien de vous troubler, car il faut que ces choses arrivent ; mais ce ne sera pas encore la fin, - car on verra se soulever peuple contre peuple et royaume contre royaume ; et il y aura des pestes, des famines et des tremblements de terre en divers lieux, - et toutes ces choses ne seront que le commencement des douleurs (Saint Matth., ch. XXIV, v. 6, 7, 8).

48.- Alors le frère livrera le frère à la mort, et le père le fils ; les enfants s'élèveront contre leurs pères et leurs mères, et les feront mourir. - Et vous serez haïs de tout le monde à cause de mon nom ; mais celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé (Saint Marc, ch. XIII, v. 12, 13).

49.- Quand vous verrez que l'abomination de la désolation, qui a été prédite par le prophète Daniel, sera dans le lieu saint (que celui qui lit entende bien ce qu'il lit) ; - Alors, que ceux qui seront dans la Judée s'enfuient sur les montagnes[2] ; - Que celui qui est au haut du toit n'en descende point pour emporter quelque chose de sa maison ; - Et que celui qui sera dans le champ ne retourne point pour prendre ses vêtements. - Mais malheur aux femmes qui seront grosses ou nourrices en ces jours-là. - Priez donc Dieu que votre fuite n'arrive point durant l'hiver ni au jour du sabbat, car l'affliction de ce temps-là - sera si grande, qu'il n'y en a point eu de pareille depuis le commencement du monde jusqu'à présent, et qu'il n'y en aura jamais. - Et si ces jours n'avaient été abrégés, nul homme n'aurait été sauvé, mais ces jours seront abrégés en faveur des élus (Saint Matth., ch. XXIV, v. 15 à 22).



[2]Cette expression : l'abomination de la désolation, non seulement n'a pas de sens, mais elle prête au ridicule. La traduction d'Ostervald dit : « L'abomination qui Cause la désolation, » ce qui est très différent ; le sens alors devient parfaitement clair, car on comprend que les abominations doivent amener la désolation comme châtiment. Quand, dit Jésus, l'abomination viendra dans le lieu saint, la désolation y viendra aussi, et ce sera un signe que les temps sont proches.


50.- Aussitôt après ces jours d'affliction, le soleil s'obscurcira, et la lune ne donnera plus sa lumière ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées.

Alors, le signe du Fils de l'homme paraîtra dans le ciel, et tous les peuples de la terre seront dans les pleurs et dans les gémissements ; et ils verront le Fils de l'homme qui viendra sur les nuées du ciel avec une grande majesté.

Et il enverra ses anges, qui feront entendre la voix éclatante de leurs trompettes, et qui rassembleront ses élus des quatre coins du monde, depuis une extrémité du ciel jusqu'à l'autre.

Apprenez une comparaison tirée du figuier. Quand ses branches sont déjà tendres, et qu'il pousse des feuilles, vous savez que l'été est proche. - De même, lorsque vous verrez toutes ces choses, sachez que le Fils de l'homme est proche, et qu'il est comme à la porte.

Je vous dis, en vérité, que cette race ne passera point que toutes ces choses ne soient accomplies (Saint Matth., ch. XXIV, v. de 29 à 34).

Et il arrivera à l'avènement du Fils de l'homme ce qui arriva au temps de Moïse, - car, comme dans les derniers temps avant le déluge, les hommes mangeaient et buvaient, se mariaient et mariaient leurs enfants, jusqu'au jour où Noé entra dans l'arche ; - et qu'ils ne connurent pas le moment du déluge que lorsqu'il survint et emporta tout le monde, il en sera de même à l'avènement du Fils de l'homme (Saint Matth., ch. XXIV, v. 37, 38).

51.- Quant à ce jour-là ou à cette heure, nul ne le sait, ni les anges qui sont dans le ciel, ni le Fils, mais le Père seul (Saint Marc, ch. XIII, v. 32).
52.- En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous gémirez, et le monde se réjouira ; vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie. - Une femme, lorsqu'elle enfante, est dans la douleur, parce que son heure est venue ; mais après qu'elle a enfanté un fils, elle ne se souvient plus le ses maux, dans la joie qu'elle a d'avoir mis un homme au monde. - C'est ainsi que vous êtes maintenant dans la tristesse ; mais je vous verrai de nouveau, et votre coeur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie (Saint Matth., ch. XVI, v. 20, 21, 22).

53.- Il 's'élèvera plusieurs faux prophètes qui séduiront beaucoup de personnes ; - et parce que l'iniquité abondera, la charité de plusieurs se refroidira ; - mais celui-là sera sauvé qui persévérera jusqu'à la fin. - Et cet Evangile du royaume sera prêché dans toute la terre pour servir de témoignage à toutes les nations, et c'est alors que la fin arrivera (Saint Matth., ch. XXIV, v. de 11 à 14).

54.- Ce tableau de la fin des temps est évidemment allégorique, comme la plupart de ceux que présentait Jésus. Les images qu'il contient sont de nature, par leur énergie, à impressionner des intelligences encore frustes. Pour frapper ces imaginations peu subtiles, il fallait des peintures vigoureuses, aux couleurs tranchées. Jésus s'adressait surtout au peuple, aux hommes les moins éclairés, incapables de comprendre les abstractions métaphysiques, et de saisir la délicatesse des formes. Pour arriver au coeur, il fallait parler aux yeux à l'aide de signes matériels, et aux oreilles par la vigueur du langage.

Par une conséquence naturelle de cette disposition d'esprit, la puissance suprême ne pouvait, selon la croyance d'alors, se manifester que par des choses extraordinaires, surnaturelles ; plus elles étaient impossibles, mieux elles étaient acceptées comme probables.

Le Fils de l'homme venant sur les nuées du ciel, avec une grande majesté, entouré de ses anges et au bruit des trompettes, leur semblait bien autrement imposant qu'un être investi de la seule puissance morale. Aussi les Juifs, qui attendaient dans le Messie un roi de la terre, puissant entre tous les rois, pour mettre leur nation au premier rang, et relever le trône de David et de Salomon, ne voulurent-ils pas le reconnaître dans l'humble fils du charpentier, sans autorité matérielle.

Cependant ce pauvre prolétaire de la Judée est devenu le plus grand entre les grands ; il a conquis à sa souveraineté plus de royaumes que les plus puissants potentats ; avec sa seule parole et quelques misérables pêcheurs, il a révolutionné le monde, et c'est à lui que les Juifs devront leur réhabilitation. Il était donc dans le vrai, quand, à cette question de Pilate : « Etes-vous roi ? » il répondit : « Vous le dites ».

55.- Il est à remarquer que, chez les Anciens, les tremblements de terre et l'obscurcissement du soleil étaient les accessoires obligés de tous les événements et de tous les présages sinistres ; on les retrouve à la mort de Jésus, à celle de César et dans une foule de circonstances de l'histoire du paganisme. Si ces phénomènes se fussent produits aussi souvent qu'on le raconte, il paraîtrait impossible que les hommes n'en eussent pas conservé la mémoire par la tradition. Ici on ajoute les étoiles qui tombent du ciel, comme pour témoigner aux générations futures plus éclairées qu'il ne s'agit que d'une fiction, puisqu'on sait maintenant que les étoiles ne peuvent tomber.

56.- Cependant, sous ces allégories se cachent de grandes vérités. C'est, d'abord, l'annonce des calamités de tout genre qui frapperont l'humanité et la décimeront ; calamités engendrées par la lutte suprême entre le bien et le mal, la foi et l'incrédulité, les idées progressives et les idées rétrogrades. Secondement, celle de la diffusion, par toute la terre, de l'Evangile rétabli dans sa pureté primitive ; puis, le règne du bien, qui sera celui de la paix et de la fraternité universelle, sortira du code de morale évangélique mis en pratique par tous les peuples. Ce sera véritablement le règne de Jésus, puisqu'il présidera à son établissement, et que les hommes vivront sous l'égide de sa loi ; règne de bonheur, car, dit-il, « après les jours d'affliction viendront les jours de joie ».

57.- Quand s'accompliront ces choses ? « Nul ne le sait, dit Jésus, pas même le Fils ; » mais quand le moment sera venu, les hommes en seront avertis par des indices précurseurs. Ces indices ne seront ni dans le soleil, ni dans les étoiles, mais dans l'état social et dans des phénomènes plus moraux que physiques, et que l'on peut en partie déduire de ses allusions.

Il est bien certain que ce changement ne pouvait s'opérer du vivant des apôtres, autrement Jésus n'aurait pu l'ignorer, et d'ailleurs une telle transformation ne pouvait s'accomplir en quelques années. Cependant il leur parle comme s'ils devaient en être témoins ; c'est qu'en effet, ils pourront revivre à cette époque et travailler eux-mêmes à la transformation. Tantôt il parle du sort prochain de Jérusalem, et tantôt il prend ce fait comme point de comparaison pour l'avenir.

58.- Est-ce la fin du monde que Jésus annonce par sa nouvelle venue, et quand il dit : Lorsque l'Evangile sera prêché par toute la terre, c'est alors que la fin arrivera ?

Il n'est pas rationnel de supposer que Dieu détruise le monde précisément au moment où il entrera dans la voie du progrès moral par la pratique des enseignements évangéliques ; rien, d'ailleurs, dans les paroles du Christ, n'indique une destruction universelle, qui, dans de telles conditions, ne serait pas justifiée.

La pratique générale de l'Evangile, devant amener une amélioration dans l'état moral des hommes, amènera, par cela même, le règne du bien et entraînera la chute de celui du mal. C'est donc à la fin du vieux monde, du monde gouverné par les préjugés, l'orgueil, l'égoïsme, le fanatisme, l'incrédulité, la cupidité et toutes les mauvaises passions que le Christ fait allusion quand il dit : « Lorsque l'Evangile sera prêché par toute la terre, c'est alors que la fin arrivera ; » mais cette fin amènera une lutte, et c'est de cette lutte que sortiront les maux qu'il prévoit.




VOS FILS ET VOS FILLES PROPHETISERONT

59.- Dans les derniers temps, dit le Seigneur, je répandrai de mon esprit sur toute chair ; vos fils et vos filles prophétiseront ; vos jeunes gens auront des visions, et vos vieillards auront des songes. - En ces jours-là, je répandrai de mon esprit sur mes serviteurs et sur mes servantes, et ils prophétiseront (Actes, ch. II, v. 17, 18. - Joël, ch. II, v. 28, 29).

60.- Si l'on considère l'état actuel du monde physique et du monde moral, les tendances, les aspirations, les pressentiments des masses, la décadence des vieilles idées qui se débattent en vain depuis un siècle contre les idées nouvelles, on ne peut douter qu'un nouvel ordre de choses se prépare, et que le vieux monde touche à sa fin.

Si, maintenant, en faisant la part de la forme allégorique de certains tableaux, et en scrutant le sens intime des paroles de Jésus, on compare la situation actuelle avec les temps décrits par lui, comme devant marquer l'ère de la rénovation, on ne peut disconvenir que plusieurs de ses prédictions reçoivent aujourd'hui leur accomplissement ; d'où il faut conclure que nous touchons aux temps annoncés, ce que confirment sur tous les points du globe les Esprits qui se manifestent.

61.- Ainsi qu'on l'a vu (Chap. 1, n° 32) l'avènement du Spiritisme, coïncidant avec d'autres circonstances, réalise une des plus importantes prédictions de Jésus, par l'influence qu'il doit forcément exercer sur les idées. Il est, en outre, clairement annoncé, dans celle qui est rapportée aux Actes des apôtres : « Dans les derniers temps, dit le Seigneur, je répandrai de mon Esprit sur toute chair : vos fils et vos filles prophétiseront ».

C'est l'annonce non équivoque de la vulgarisation de la médiumnité, qui se révèle de nos jours chez les individus de tout âge, de tout sexe et de toutes conditions, et, par suite, de la manifestation universelle des Esprits, car sans les Esprits il n'y aurait pas de médiums. Cela, est-il dit : arrivera dans les derniers temps ; or, puisque nous ne touchons pas à la fin du monde, mais au contraire à sa régénération, il faut entendre par ces mots les derniers temps du monde moral qui finit (Evangile selon le Spiritisme, ch. XXI).




JUGEMENT DERNIER

62.- Or, quand le Fils de l'homme viendra dans sa majesté accompagné de tous les anges, il s'assoira sur le trône de sa gloire ; - et toutes les nations étant assemblées devant lui, il séparera les uns d'avec les autres, comme un berger sépare les brebis d'avec les boucs, et il placera les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche. - Alors le Roi dira à ceux qui sont à sa droite : Venez, vous, qui avez été bénis par mon Père, etc. (Saint Matth., ch. XXV, v. de 31 à 46. - Evangile selon le Spiritisme, ch. XV).

63.- Le bien devant régner sur la terre, il faut que les Esprits endurcis dans le mal et qui pourraient y porter le trouble en soient exclus. Dieu les y a laissés le temps nécessaire à leur amélioration ; mais le moment où le globe doit s'élever dans la hiérarchie des mondes, par le progrès moral de ses habitants, étant arrivé, le séjour, comme Esprits et comme Incarnés, en sera interdit à ceux qui n'auront pas profité des instructions qu'ils ont été à même d'y recevoir. Ils seront exilés dans des mondes inférieurs, comme le furent jadis sur la terre ceux de la race adamique, tandis qu'ils seront remplacés par des Esprits meilleurs. C'est cette séparation à laquelle présidera Jésus, qui est figurée par ces paroles du jugement dernier : « Les bons passeront à ma droite, et les méchants à ma gauche. » (Chap. XI, n° 31 et suivants).

64.- La doctrine d'un jugement dernier, unique et universel, mettant à tout jamais fin à l'humanité, répugne à la raison, en ce sens qu'elle impliquerait l'inactivité de Dieu pendant l'éternité qui a précédé à la création de la terre, et l'éternité qui suivra sa destruction. On se demande de quelle utilité serait alors le soleil, la lune et les étoiles, qui, selon la Genèse ont été faits pour éclairer notre monde. On s'étonne qu'une oeuvre aussi immense ait été faite pour si peu de temps et au profit d'êtres dont la majeure partie était vouée d'avance aux supplices éternels.

65.- Matériellement, l'idée d'un jugement unique était, jusqu'à un certain point, admissible pour ceux qui ne cherchent pas la raison des choses, alors que l'on croyait toute l'humanité concentrée sur la terre, et que tout, dans l'univers, avait été fait pour ses habitants : elle est inadmissible depuis que l'on sait qu'il y a des milliards de mondes semblables qui perpétuent les humanités pendant l'éternité, et parmi lesquels la terre est un point imperceptible des moins considérables.

On voit par ce seul fait que Jésus avait raison de dire à ses disciples : « Il y a beaucoup de choses que je ne puis vous dire, parce que vous ne les comprendriez pas, » puisque le progrès des sciences était indispensable pour une saine interprétation de quelques-unes de ses paroles. Assurément les apôtres, saint Paul et les premiers disciples, auraient établi tout autrement certains dogmes s'ils avaient eu les connaissances astronomiques, géologiques, physiques, chimiques, physiologiques et psychologiques que l'on possède aujourd'hui. Aussi Jésus a-t-il ajourné le complément de ses instructions, et annoncé que toutes choses devaient être rétablies.

66.- Moralement, un jugement définitif et sans appel est inconciliable avec la bonté intime du Créateur, que Jésus nous présente sans cesse comme un bon Père laissant toujours une voie ouverte au repentir et prêt à tendre ses bras à l'enfant prodigue. Si Jésus avait entendu le jugement en ce sens, il aurait démenti ses propres paroles.

Et puis, si le jugement final doit surprendre les hommes à l'improviste, au milieu de leurs travaux ordinaires, et les femmes enceintes, on se demande dans quel but Dieu, qui ne fait rien d'inutile ni d'injuste, ferait naître des enfants et créerait des âmes nouvelles à ce moment suprême, au terme fatal de l'humanité, pour les faire passer en jugement au sortir du sein de la mère, avant qu'elles aient la conscience d'elles-mêmes, alors que d'autres ont eu des milliers d'années pour se reconnaître ? De quel côté, à droite ou à gauche, passeront ces âmes qui ne sont encore ni bonnes ni mauvaises, et à qui toute voie ultérieure de progrès est désormais fermée, puisque l'humanité n'existera plus ? (Chap. II, n° 19).

Que ceux dont la raison se contente de pareilles croyances les conservent c'est leur droit, et personne n'y trouve à redire ; mais qu'on ne trouve pas mauvais non plus que tout le monde ne soit pas de leur avis.

67.- Le jugement, par voie d'émigration, tel qu'il a été défini ci-dessus (63), est rationnel ; il est fondé sur la plus rigoureuse justice, attendu qu'il laisse éternellement à l'Esprit son libre arbitre ; qu'il ne constitue de privilège pour personne ; qu'une égale latitude est donnée par Dieu à toutes ses créatures, sans exception, pour progresser ; que l'anéantissement même d'un monde, entraînant la destruction du corps, n'apporterait aucune interruption à la marche progressive de l'esprit. Telle est la conséquence de la pluralité des mondes et de la pluralité des existences.

Selon cette interprétation, la qualification de jugement dernier n'est pas exacte, puisque les Esprits passent par de semblables assises à chaque rénovation des mondes qu'ils habitent jusqu'à ce qu'ils aient atteint un certain degré de perfection. Il n'y a donc point, à proprement parler, de jugement dernier, mais il y a des jugements généraux à toutes les époques de rénovation partielle ou totale de la population des mondes, par suite desquelles s'opèrent les grandes émigrations et immigrations d'Esprits.





CHAPITRE XVIII - Les temps sont arrivés



SIGNES DES TEMPS

1.- Les temps marqués par Dieu sont arrivés, nous dit-on de toutes parts, où de grands événements vont s'accomplir pour la régénération de l'humanité. Dans quel sens faut-il entendre ces paroles prophétiques ? Pour les incrédules, elles n'ont aucune importance ; à leurs yeux, ce n'est que l'expression d'une croyance puérile sans fondement ; pour le plus grand nombre des croyants, elles ont quelque chose de mystique et de surnaturel qui leur semble être l'avant-coureur du bouleversement des lois de la nature. Ces deux interprétations sont également erronées : la première, en ce qu'elle implique la négation de la Providence ; la seconde, en ce que ces paroles n'annoncent pas la perturbation des lois de la nature, mais leur accomplissement.

2.- Tout est harmonie dans la création ; tout révèle une prévoyance qui ne se dément ni dans les plus petites choses ni dans les plus grandes ; nous devons donc d'abord écarter toute idée de caprice inconciliable avec la sagesse divine ; en second lieu, si notre époque est marquée pour l'accomplissement de certaines choses, c'est qu'elles ont leur raison d'être dans la marche de l'ensemble.

Ceci posé, nous dirons que notre globe, comme tout ce qui existe, est soumis à la loi du progrès. Il progresse physiquement par la transformation des éléments qui le composent, et moralement par l'épuration des Esprits incarnés et désincarnés qui le peuplent. Ces deux progrès se suivent et marchent parallèlement, car la perfection de l'habitation est en rapport avec celle de l'habitant. Physiquement, le globe a subi des transformations, constatées par la science, et qui l'ont successivement rendu habitable par des êtres de plus en plus perfectionnés ; moralement, l'humanité progresse par le développement de l'intelligence, du sens moral et l'adoucissement des moeurs. En même temps que l'amélioration du globe s'opère sous l'empire des forces matérielles, les hommes y concourent, par les efforts de leur intelligence ; ils assainissent les contrées insalubres, rendent les communications plus faciles et la terre plus productive.

Ce double progrès s'accomplit de deux manières : l'une lente, graduelle et insensible ; l'autre par des changements plus brusques, à chacun desquels s'opère un mouvement ascensionnel plus rapide qui marque, par des caractères tranchés, les périodes progressives de l'humanité. Ces mouvements, subordonnés dans les détails au libre arbitre des hommes, sont en quelque sorte fatals dans leur ensemble, parce qu'ils sont soumis à des lois, comme ceux qui s'opèrent dans la germination, la croissance et la maturité des plantes ; c'est pourquoi le mouvement progressif est quelquefois partiel, c'est-à-dire borné à une race ou à une nation, d'autres fois général.

Le progrès de l'humanité s'effectue donc en vertu d'une loi ; or, comme toutes les lois de la nature sont l'oeuvre éternelle de la sagesse et de la prescience divines, tout ce qui est l'effet de ces lois est le résultat de la volonté de Dieu, non d'une volonté accidentelle et capricieuse, mais d'une volonté immuable. Lors donc que l'humanité est mûre pour franchir un degré, on peut dire que les temps marqués par Dieu sont arrivés, comme on peut dire aussi qu'en telle saison, ils sont arrivés pour la maturité des fruits et la récolte.

3.- De ce que le mouvement progressif de l'humanité est inévitable, parce qu'il est dans la nature, il ne s'ensuit pas que Dieu y soit indifférent, et qu'après avoir établi des lois, il soit rentré dans l'inaction, laissant les choses aller toutes seules. Ses lois sont éternelles et immuables, sans doute, mais parce que sa volonté elle-même est éternelle et constante, et que sa pensée anime toutes choses sans interruption ; sa pensée, qui pénètre tout, est la force intelligente et permanente qui maintient tout dans l'harmonie ; que cette pensée cesse un seul instant d'agir, et l'univers serait comme une horloge sans balancier régulateur. Dieu veille donc incessamment à l'exécution de ses lois, et les Esprits qui peuplent l'espace sont ses ministres chargés des détails, selon les attributions afférentes à leur degré d'avancement.

4.- L'univers est à la fois un mécanisme incommensurable conduit par un nombre non moins incommensurable d'intelligences, un immense gouvernement où chaque être intelligent a sa part d'action sous l'oeil du souverain Maître, dont la volonté unique maintient partout l'unité. Sous l'empire de cette vaste puissance régulatrice tout se meut, tout fonctionne dans un ordre parfait ; ce qui nous semble des perturbations sont les mouvements partiels et isolés, qui ne nous paraissent irréguliers que parce que notre vue est circonscrite. Si nous pouvions en embrasser l'ensemble, nous verrions que ces irrégularités ne sont qu'apparentes et qu'elles s'harmonisent dans le tout.

5.- L'humanité a accompli jusqu'à ce jour d'incontestables progrès ; les hommes, par leur intelligence, sont arrivés à des résultats qu'ils n'avaient jamais atteints sous le rapport des sciences, des arts et du bien-être matériel ; il leur reste encore un immense progrès à réaliser : c'est de faire régner entre eux la charité, la fraternité et la solidarité, pour assurer le bien-être moral. Ils ne le pouvaient ni avec leurs croyances, ni avec leurs institutions surannées, restées d'un autre âge, bonnes à une certaine époque, suffisantes pour un état transitoire, mais qui, ayant donné ce qu'elles comportaient, seraient un point d'arrêt aujourd'hui. Ce n'est plus seulement le développement de l'intelligence qu'il faut aux hommes, c'est l'élévation du sentiment, et pour cela il faut détruire tout ce qui pouvait surexciter en eux l'égoïsme et l'orgueil.

Telle est la période où ils vont entrer désormais, et qui marquera une des phases principales de l'humanité. Cette phase qui s'élabore en ce moment est le complément nécessaire de l'état précédent, comme l'âge viril est le complément de la jeunesse ; elle pouvait donc être prévue et prédite d'avance, et c'est pour cela qu'on dit que les temps marqués par Dieu sont arrivés.

6.- En ce temps-ci, il ne s'agit pas d'un changement partiel, d'une rénovation bornée à une contrée, à un peuple, à une race ; c'est un mouvement universel qui s'opère dans le sens du progrès moral. Un nouvel ordre de choses tend à s'établir, et les hommes qui y sont le plus opposés y travaillent à leur insu ; la génération future, débarrassée des scories du vieux monde et formée d'éléments plus épurés, se trouvera animée d'idées et de sentiments tout autres que la génération présente qui s'en va à pas de géant. Le vieux monde sera mort, et vivra dans l'histoire, comme aujourd'hui les temps du moyen âge avec leurs coutumes barbares et leurs croyances superstitieuses.

Du reste, chacun sait combien l'ordre de choses actuel laisse encore à désirer ; après avoir, en quelque sorte, épuisé le bien-être matériel qui est le produit de l'intelligence, on arrive à comprendre que le complément de ce bien-être ne peut être que dans le développement moral. Plus en avance, plus on sent ce qui manque, sans cependant pouvoir encore le définir clairement : c'est l'effet du travail intime qui s'opère pour la régénération ; on a des désirs, des aspirations qui sont comme le pressentiment d'un état meilleur.

7.- Mais un changement aussi radical que celui qui s'élabore ne peut s'accomplir sans commotion ; il y a lutte inévitable entre les idées. De ce conflit naîtront forcément des perturbations temporaires, jusqu'à ce que le terrain soit déblayé et l'équilibre rétabli. C'est donc de la lutte des idées que surgiront, les graves événements annoncés, et non de cataclysmes, ou catastrophes purement matérielles. Les cataclysmes généraux étaient la conséquence de l'état de formation de la terre ; aujourd'hui ce ne sont plus les entrailles du globe qui s'agitent, ce sont celles de l'humanité.

8.- Si la terre n'a plus à redouter les cataclysmes généraux, elle n'en est pas moins soumise à des révolutions périodiques dont les causes sont expliquées, au point de vue scientifique, dans les instructions suivantes données par deux éminents Esprits[1] :

« Chaque corps céleste, outre les lois simples qui président à la division des jours et des nuits, des saisons, etc., subit des révolutions qui demandent des milliers de siècles pour leur parfait accomplissement, mais qui, comme les révolutions plus brèves, passent par toutes les périodes, depuis la naissance jusqu'à un summum d'effet, après lequel il y a décroissance jusqu'à la dernière limite, pour recommencer ensuite à parcourir les mêmes phases.

« L'homme n'embrasse que les phases d'une durée relativement courte, et dont il peut constater la périodicité ; mais il en est qui comprennent de longues générations d'êtres, et même des successions de races, dont les effets, par conséquent, ont pour lui les apparences de la nouveauté et de la spontanéité, tandis que, si son regard pouvait se porter à quelques milliers de siècles en arrière, il verrait, entre ces mêmes effets et leurs causes, une corrélation qu'il ne soupçonne même pas. Ces périodes, qui confondent l'imagination des humains par leur longueur relative, ne sont cependant que des instants dans la durée éternelle.

« Dans un même système planétaire, tous les corps qui en dépendent réagissent les uns sur les autres ; toutes les influences physiques y sont solidaires, et il n'est pas un seul des effets que vous désignez sous le nom de grandes perturbations qui ne soit la conséquence de la composante des influences de tout ce système.

« Je vais plus loin : je dis que les systèmes planétaires réagissent les uns sur les autres, en raison du rapprochement ou de l'éloignement qui résulte de leur mouvement de translation à travers les myriades de systèmes qui composent notre nébuleuse. Je vais plus loin encore : je dis que notre nébuleuse, qui est comme un archipel dans l'immensité, ayant aussi son mouvement de translation à travers les myriades de nébuleuses, subit l'influence de celles dont elle se rapproche.

« Ainsi les nébuleuses réagissent sur les nébuleuses, les systèmes réagissent sur les systèmes, comme les planètes réagissent sur les planètes, comme les éléments de chaque planète réagissent les uns sur les autres, et ainsi de proche en proche jusqu'à l'atome ; de là, dans chaque monde, des révolutions locales ou générales, qui ne semblent des perturbations que parce que la brièveté de la vie ne permet d'en avoir que les effets partiels.

« La matière organique ne saurait échapper à ces influences ; les perturbations qu'elle subit peuvent donc altérer l'état physique des êtres vivants, et déterminer quelques-unes de ces maladies qui sévissent d'une manière générale sur les plantes, les animaux et les hommes ; ces maladies, comme tous les fléaux, sont pour l'intelligence humaine un stimulant qui la pousse, par la nécessité, à la recherche des moyens de les combattre, et à la découverte des lois de la nature.

« Mais la matière organique réagit à son tour sur l'Esprit ; celui-ci, par son contact et sa liaison intime avec les éléments matériels, subit aussi des influences qui modifient ses disposions, sans cependant lui ôter son libre arbitre, surexcitent ou ralentissent son activité, et, par cela même, contribuent à son développement. L'effervescence, qui se manifeste parfois dans toute une population, parmi les hommes d'une même race, n'est pas une chose fortuite, ni le résultat d'un caprice ; elle a sa cause dans les lois de la nature. Cette effervescence, d'abord inconsciente, qui n'est qu'un vague désir, une aspiration non définie vers quelque chose de mieux, un besoin de changement, se traduit par une sourde agitation, puis par des actes qui amènent les révolutions sociales, lesquelles, croyez-le bien, ont aussi leur périodicité, comme les révolutions physiques, car tout s'enchaîne. Si la vue spirituelle n'était pas circonscrite par le voile matériel, vous verriez ces courants fluidiques qui, comme des milliers de fils conducteurs, relient les choses du monde spirituel et du monde matériel.

« Quand on vous dit que l'humanité est arrivée à une période de transformation, et que la terre doit s'élever dans la hiérarchie des mondes, ne voyez dans ces paroles rien de mystique, mais, au contraire, l'accomplissement d'une des grandes lois fatales de l'univers, contre lesquelles tout mauvais vouloir humain se brise. » ARAGO.



[1]Extrait de deux communications données à la Société de Paris, et publiées dans la Revue spirite d'octobre 1868, page 313. Elles sont le corollaire de celles de Galilée, rapportées au chapitre VI, et un complément au chapitre IX sur les révolutions du globe.
9.- « Oui, certes, l'humanité se transforme comme elle s'est déjà transformée à d'autres époques, et chaque transformation est marquée par une crise qui est, pour le genre humain, ce que sont les crises de croissance pour les individus ; crises souvent pénibles, douloureuses, qui emportent avec elles les générations et les institutions, mais toujours suivies d'une phase de progrès matériel et moral.

« L'humanité terrestre, arrivée à l'une de ces périodes de croissance, est en plein, depuis bientôt un siècle, dans le travail de la transformation ; c'est pourquoi elle s'agite de toutes parts, en proie à une sorte de fièvre et comme mue par une force invisible, jusqu'à ce qu'elle ait repris son assiette sur de nouvelles bases. Qui la verra alors la trouvera bien changée dans ses moeurs, son caractère, ses lois, ses croyances, en un mot, dans tout son état social.

« Une chose qui vous paraîtra étrange, mais qui n'en est pas moins une rigoureuse vérité, c'est que le monde des Esprits qui vous environne subit le contrecoup de toutes les commotions qui agitent le monde des incarnés : je dis même qu'il y prend une part active. Cela n'a rien de surprenant pour quiconque sait que les Esprits ne font qu'un avec l'humanité ; qu'ils en sortent et doivent y rentrer ; il est donc naturel qu'ils s'intéressent aux mouvements qui s'opèrent parmi les hommes. Soyez donc certains que, lorsqu'une révolution sociale s'accomplit sur la terre, elle remue également le monde invisible ; toutes les passions bonnes et mauvaises y sont surexcitées comme chez vous ; une indicible effervescence règne parmi les Esprits qui font encore partie de votre monde et qui attendent le moment d'y rentrer.

« A l'agitation des incarnés et des désincarnés se joignent parfois, le plus souvent même, parce que tout se tient dans la nature, les perturbations des éléments physiques ; c'est alors, pour un temps, une véritable confusion générale, mais qui passe comme un ouragan, après lequel le ciel redevient serein, et l'humanité, reconstituée sur de nouvelles bases, imbue de nouvelles idées, parcourt une nouvelle étape de progrès.

« C'est dans la période qui s'ouvre qu'on verra fleurir le Spiritisme, et qu'il portera ses fruits. C'est donc pour l'avenir, plus que pour le présent, que vous travaillez ; mais il était nécessaire que ces travaux fussent élaborés d'avance, parce qu'ils préparent les voies de la régénération par l'unification et la rationalité des croyances. Heureux ceux qui en profitent dès aujourd'hui, ce sera pour eux autant de gagné et de peines épargnées. »

Docteur BARRY.

10.- Il résulte de ce qui précède que, par suite de leur mouvement de translation à travers l'espace, les corps célestes exercent, les uns sur les autres, une influence plus ou moins grande, suivant leur rapprochement et leur position respective ; que cette influence peut amener une perturbation momentanée dans leurs éléments constitutifs, et modifier les conditions de vitalité de leurs habitants ; que la régularité des mouvements doit amener le retour périodique des mêmes causes et des mêmes effets ; que si la durée de certaines périodes est assez courte pour être appréciable par les hommes, d'autres voient passer des générations et des races qui ne s'en aperçoivent pas, et pour lesquelles l'état des choses est un état normal ; les générations, au contraire, contemporaines de la transition en subissent le contrecoup, et tout leur paraît s'écarter des lois ordinaires. Elles voient une cause surnaturelle, merveilleuse, miraculeuse, dans ce qui n'est, en réalité, que l'accomplissement des lois de la nature.

Si, par l'enchaînement et la solidarité des causes et des effets, les périodes de rénovations morales de l'humanité coïncident, comme tout porte à le croire, avec les révolutions physiques du globe, elles peuvent être accompagnées ou précédées de phénomènes naturels, insolites pour ceux qui n'y sont pas habitués, de météores qui semblent étranges, d'une recrudescence et d'une intensité inaccoutumée des fléaux destructeurs. Ces fléaux ne sont ni une cause, ni des présages surnaturels, mais une conséquence du mouvement général qui s'opère dans le monde physique et dans le monde moral.

En prédisant l'ère de rénovation qui devait s'ouvrir pour l'humanité et marquer la fin du vieux monde, Jésus a donc pu dire qu'elle serait signalée par des phénomènes extraordinaires, des tremblements de terre, des fléaux divers, des signes dans le ciel qui ne sont autres que des météores, sans sortir des lois naturelles ; mais le vulgaire ignorant a vu dans ces paroles l'annonce de faits miraculeux[2].

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[2]La terrible épidémie qui, de 1866 à 1868, a décimé la population de l'île Maurice, a été précédée d'une pluie si extraordinaire et si abondante d'étoiles filantes, en novembre 1866, que les habitants en ont été terrifiés. C'est de ce moment que la maladie, qui sévissait depuis quelques mois d'une manière assez bénigne, est devenue un véritable fléau dévastateur. C'était bien là un signe dans le ciel, et peut-être est-ce dans ce sens qu'il faut entendre les étoiles tombant du ciel dont parle l'Evangile, comme l'un des signes des temps (Détails sur l'épidémie de l'île Maurice, Revue spirite, juillet 1867, page 208 ; novembre 1868, page 321).


11.- La prévision des mouvements progressifs de l'humanité n'a rien de surprenant chez des êtres dématérialisés qui voient le but où tendent toutes choses, dont quelques-uns possèdent la pensée directe de Dieu, et qui jugent, aux mouvements partiels, le temps auquel pourra s'accomplir un mouvement général, comme on juge d'avance le temps qu'il faut à un arbre pour porter des fruits, comme les astronomes calculent l'époque d'un phénomène astronomique par le temps qu'il faut à un astre pour accomplir sa révolution.

12.- L'humanité est un être collectif en qui s'opèrent les mêmes révolutions morales que dans chaque être individuel, avec cette différence que les unes s'accomplissent d'année en année, et les autres de siècle en siècle. Qu'on la suive dans ses évolutions à travers les temps, et l'on verra la vie des diverses races marquée par des périodes qui donnent à chaque époque une physionomie particulière.

13.- La marche progressive de l'humanité s'opère de deux manières, comme nous l'avons dit : l'une graduelle, lente, insensible, si l'on considère les époques rapprochées, qui se traduit par des améliorations successives dans les moeurs, les lois, les usages, et ne s'aperçoit qu'à la longue, comme les changements que les courants d'eau apportent à la surface du globe ; l'autre, par des mouvements relativement brusques, rapides, semblables à ceux d'un torrent rompant ses digues, qui lui font franchir en quelques années l'espace qu'elle eût mis des siècles à parcourir. C'est alors un cataclysme moral qui engloutit en quelques instants les institutions du passé, et auquel succède un nouvel ordre de choses qui s'assied peu à peu, à mesure que le calme se rétablit et devient définitif.

A celui qui vit assez longtemps pour embrasser les deux versants de la nouvelle phase, il semble qu'un monde nouveau soit sorti des ruines de l'ancien ; le caractère, les moeurs, les usages, tout est changé ; c'est qu'en effet des hommes nouveaux, ou mieux régénérés, ont surgi ; les idées emportées par la génération qui s'éteint ont fait place à des idées nouvelles dans la génération qui s'élève.

14.- L'humanité, devenue adulte, a de nouveaux besoins, des aspirations plus larges, plus élevées ; elle comprend le vide des idées dont elle a été bercée, l'insuffisance de ses institutions pour son bonheur ; elle ne trouve plus dans l'état des choses les satisfactions légitimes auxquelles elle se sent appelée ; c'est pourquoi elle secoue ses langes, et s'élance, poussée par une force irrésistible, vers des rivages inconnus, à la découverte, de nouveaux horizons moins bornés.

C'est à l'une de ces périodes de transformation, ou, si l'on veut, de croissance morale, qu'est parvenue l'humanité. De l'adolescence elle passe à l'âge viril ; le passé ne peut plus suffire à ses nouvelles aspirations, à ses nouveaux besoins ; elle ne peut plus être conduite par les mêmes moyens ; elle ne se paye plus d'illusions et de prestiges : il faut à sa raison mûrie des aliments plus substantiels. Le présent est trop éphémère ; elle sent que sa destinée est plus vaste et que la vie corporelle est trop restreinte pour la renfermer tout entière ; c'est pourquoi elle plonge ses regards dans le passé et dans l'avenir afin d'y découvrir le mystère de son existence et d'y puiser une consolante sécurité.

Et c'est au moment où elle se trouve trop à l'étroit dans sa sphère matérielle, où la vie intellectuelle déborde, où le sentiment de la spiritualité s'épanouit, que des hommes se disant philosophes espèrent combler le vide par les doctrines du néantisme et matérialisme ! Etrange aberration ! Ces mêmes hommes qui prétendent la pousser en avant s'efforcent de la circonscrire dans le cercle étroit de la matière d'où elle aspire à sortir ; ils lui ferment l'aspect de la vie infinie, et lui disent, en lui montrant la tombe : Nec plus ultrà !

15.- Quiconque a médité sur le Spiritisme et ses conséquences, et ne le circonscrit pas dans la production de quelques phénomènes, comprend qu'il ouvre à l'humanité une voie nouvelle, et lui déroule les horizons de l'infini ; en l'initiant aux mystères du monde invisible, il lui montre son véritable rôle dans la création, rôle perpétuellement actif, aussi bien à l'état spirituel qu'à l'état corporel. L'homme ne marche plus en aveugle : il sait d'où il vient, où il va et pourquoi il est sur la terre. L'avenir se montre à lui dans sa réalité, dégagé des préjugés de l'ignorance et de la superstition ; ce n'est plus une vague espérance : c'est une vérité palpable, aussi certaine pour lui que la succession du jour et de la nuit. Il sait que son être n'est pas limité à quelques instants d'une existence éphémère ; que la vie spirituelle n'est point interrompue par la mort ; qu'il a déjà vécu, qu'il revivra encore, et que de tout ce qu'il acquiert en perfection par le travail, rien n'est perdu ; il trouve dans ses existences antérieures la raison de ce qu'il est aujourd'hui, et : de ce que l'homme se fait aujourd'hui, il peut conclure ce qu'il sera un jour.

16.- Avec la pensée que l'activité et la coopération individuelles dans l'oeuvre générale de la civilisation sont limitées à la vie présente, que l'on n'a rien été et que l'on ne sera rien, que fait à l'homme le progrès ultérieur de l'humanité ? Que lui importe qu'à l'avenir les peuples soient mieux gouvernés, plus heureux, plus éclairés, meilleurs les uns pour les autres ? Puisqu'il n'en doit retirer aucun fruit, ce progrès n'est-il pas perdu pour lui ? Que lui sert de travailler pour ceux qui viendront après lui, s'il ne doit jamais les connaître, si ce sont des êtres nouveaux qui peu après rentreront eux-mêmes dans le néant ? Sous l'empire de la négation de l'avenir individuel, tout se rapetisse forcément aux mesquines proportions du moment et de la personnalité.

Mais, au contraire, quelle amplitude donne à la pensée de l'homme la certitude de la perpétuité de son être spirituel ! Quoi de plus rationnel, de plus grandiose, de plus digne du Créateur que cette loi d'après laquelle la vie spirituelle et la vie corporelle ne sont que deux modes d'existence qui s'alternent pour l'accomplissement du progrès ! Quoi de plus juste et de plus consolant que l'idée des mêmes êtres progressant sans cesse, d'abord à travers des générations du même monde, et ensuite de monde en monde jusqu'à la perfection, sans solution de continuité ! Toutes les actions ont alors un but, car, en travaillant pour tous, on travaille pour soi, et réciproquement ; de sorte que ni le progrès individuel ni le progrès général ne sont jamais stériles ; il profite aux générations et aux individualités futures, qui ne sont autres que les générations et les individualités passées, arrivées à un plus haut degré d'avancement.

17.- La fraternité doit être la pierre angulaire du nouvel ordre social ; mais il n'y a pas de fraternité réelle, solide et effective, si elle n'est appuyée sur une base inébranlable ; cette base, c'est la foi ; non la foi en tels ou tels dogmes particuliers qui changent avec les temps et les peuples et se jettent la pierre, car en s'anathématisant ils entretiennent l'antagonisme ; mais la foi dans les principes fondamentaux que tout le monde peut accepter : Dieu, l'âme, l'avenir, LE PROGRES INDIVIDUEL INDEFINI, LA PERPETUITE DES RAPPORTS ENTRE LES ETRES. Quand tous les hommes seront convaincus que Dieu est le même pour tous ; que ce Dieu, souverainement juste et bon, ne peut rien vouloir d'injuste ; que le mal vient des hommes et non de lui, ils se regarderont comme les enfants d'un même Père et se tendront la main.

C'est cette foi que donne le Spiritisme, et qui sera désormais le pivot sur lequel se mouvra le genre humain, quels que soient le mode d'adoration et les croyances particulières.

18.- Le progrès intellectuel accompli jusqu'à ce jour dans les plus vastes proportions est un grand pas, et marque la première phase de l'humanité, mais seul, il est impuissant à la régénérer ; tant que l'homme sera dominé par l'orgueil et l'égoïsme, il utilisera son intelligence et ses connaissances au profit de ses passions et de ses intérêts personnels ; c'est pourquoi il les applique au perfectionnement des moyens de nuire à ses semblables et de les détruire.

19.- Le progrès moral seul peut assurer le bonheur des hommes sur la terre en mettant un frein aux mauvaises passions ; seul, il peut faire régner entre eux la concorde, la paix, la fraternité.

C'est lui qui abaissera les barrières des peuples, qui fera tomber les préjugés de caste, et taire les antagonismes de sectes, en apprenant aux hommes à se regarder comme des frères appelés à s'entraider et non à vivre aux dépens les uns des autres.

C'est encore le progrès moral, secondé ici par le progrès de l'intelligence, qui confondra les hommes dans une même croyance établie sur les vérités éternelles, non sujettes à discussion et par cela même acceptées par tous.

L'unité de croyance sera le lien le plus puissant, le plus solide fondement de la fraternité universelle, brisée de tout temps par les antagonismes religieux qui divisent les peuples et les familles, qui font voir dans les dissidents des ennemis qu'il faut fuir, combattre, exterminer, au lieu de frères qu'il faut aimer.

20.- Un tel état de choses suppose un changement radical dans le sentiment des masses, un progrès général qui ne pouvait s'accomplir qu'en sortant du cercle des idées étroites et terre à terre qui fomentent l'égoïsme. A diverses époques, des hommes d'élite ont cherché à pousser l'humanité dans cette voie ; mais l'humanité, encore trop jeune, est restée sourde, et leurs enseignements ont été comme la bonne semence tombée sur la pierre.

Aujourd'hui, l'humanité est mûre pour porter ses regards plus haut qu'elle ne l'a fait, pour s'assimiler des idées plus larges et comprendre ce qu'elle n'avait pas compris.

La génération qui disparaît emportera avec elle ses préjugés et ses erreurs ; la génération qui s'élève, trempée à une source plus épurée, imbue d'idées plus saines, imprimera au monde le mouvement ascensionnel dans le sens du progrès moral, qui doit marquer la nouvelle phase de l'humanité.

21.- Cette phase se révèle déjà par des signes non équivoques, par des tentatives de réformes utiles, par des idées grandes et généreuses qui se font jour et qui commencent à trouver des échos. C'est ainsi qu'on voit se fonder une foule d'institutions protectrices, civilisatrices et émancipatrices, sous l'impulsion et par l'initiative d'hommes évidemment prédestinés à l'oeuvre de la régénération ; que les lois pénales s'imprègnent chaque jour d'un sentiment plus humain. Les préjugés de race s'affaiblissent, les peuples commencent à se regarder comme les membres d'une grande famille ; par l'uniformité et la facilité des moyens de transaction, ils suppriment les barrières qui les divisaient ; de toutes les parties du monde, ils se réunissent en comices universels pour les tournois pacifiques de l'intelligence.

Mais il manque à ces réformes une base pour se développer, se compléter, se consolider, une prédisposition morale plus générale pour fructifier et se faire accepter des masses. Ce n'en est pas moins un signe caractéristique du temps, le prélude de ce qui s'accomplira sur une plus large échelle, à mesure que le terrain deviendra plus propice.

22.- Un signe non moins caractéristique de la période où nous entrons, c'est la réaction évidente qui s'opère dans le sens des idées spiritualistes ; une répulsion instinctive se manifeste contre les idées matérialistes. L'Esprit d'incrédulité qui s'était emparé des masses, ignorantes ou éclairées, et leur avait fait rejeter, avec la forme, le fond même de toute croyance, semble avoir été un sommeil au sortir duquel on éprouve le besoin de respirer un air plus vivifiant. Involontairement, où le vide s'est fait on cherche quelque chose, un point d'appui, une espérance.

23.- Si l'on suppose la majorité des hommes imbus de ces sentiments, on peut aisément se figurer les modifications qu'ils apporteraient dans les relations sociales : charité, fraternité, bienveillance pour tous, tolérance pour toutes les croyances, telle sera leur devise. C'est le but auquel tend évidemment l'humanité, l'objet de ses aspirations, de ses désirs, sans qu'elle se rende bien compte des moyens de les réaliser ; elle essaye, elle tâtonne, mais elle est arrêtée par des résistances actives ou la force d'inertie des préjugés, des croyances stationnaires et réfractaires au progrès. Ce sont ces résistances qu'il faut vaincre, et ce sera l'oeuvre de la nouvelle génération ; si l'on suit le cours actuel des choses, on reconnaîtra que tout semble prédestiné à lui frayer la route ; elle aura pour elle la double puissance du nombre et des idées, et de plus l'expérience du passé.

24.- La nouvelle génération marchera donc à la réalisation de toutes les idées humanitaires compatibles avec le degré d'avancement auquel elle sera parvenue. Le Spiritisme marchant au même but, et réalisant ses vues, ils se rencontreront sur le même terrain. Les hommes de progrès trouveront dans les idées spirites un puissant levier, et le Spiritisme trouvera dans les hommes nouveaux des esprits tout disposés à l'accueillir. Dans cet état de choses, que pourront faire ceux qui voudraient se mettre à la traverse ?

25.- Ce n'est pas le Spiritisme qui crée la rénovation sociale, c'est la maturité de l'humanité qui fait de cette rénovation une nécessité. Par sa puissance moralisatrice, par ses tendances progressives, par l'ampleur de ses vues, par la généralité des questions qu'il embrasse, le Spiritisme est, plus que toute autre doctrine, apte à seconder le mouvement régénérateur ; c'est pour cela qu'il en est contemporain. Il est venu au moment où il pouvait être utile, car pour lui aussi les temps sont arrivés ; plus tôt, il eût rencontré des obstacles insurmontables ; il eût inévitablement succombé, parce que les hommes, satisfaits de ce qu'ils avaient, n'éprouvaient pas encore le besoin de ce qu'il apporte. Aujourd'hui, né avec le mouvement des idées qui fermentent, il trouve le terrain préparé à le recevoir ; les esprits, las du doute et de l'incertitude, effrayés du gouffre que l'on creuse devant eux, l'accueillent comme une ancre de salut et une suprême consolation.

26.- Le nombre des retardataires est encore grand sans doute, mais que peuvent-ils contre le flot qui monte, sinon y jeter quelques pierres ? Ce flot, c'est la génération qui s'élève, tandis qu'eux disparaissent avec la génération qui s'en va chaque jour à grands pas. Jusque-là, ils défendront le terrain pied à pied ; il y a donc une lutte inévitable, mais une lutte inégale, car c'est celle du passé décrépit qui tombe en lambeaux, contre l'avenir juvénile ; de la stagnation contre le progrès ; de la créature contre la volonté de Dieu, car les temps marqués par lui sont arrivés.




LA GENERATION NOUVELLE

27.- Pour que les hommes soient heureux sur la terre, il faut qu'elle ne soit peuplée que de bons Esprits incarnés et désincarnés qui ne voudront que le bien. Ce temps étant arrivé, une grande émigration s'accomplit en ce moment parmi ceux qui l'habitent ; ceux qui font le mal pour le mal, et que le sentiment du bien ne touche pas, n'étant plus dignes de la terre transformée, en seront exclus, parce qu'ils y porteraient de nouveau le trouble et la confusion et seraient un obstacle au progrès. Ils iront expier leur endurcissement, les uns dans des mondes inférieurs, les autres, chez des races terrestres arriérées qui seront l'équivalent de mondes inférieurs, où ils porteront leurs connaissances acquises, et qu'ils auront pour mission de faire avancer. Ils seront remplacés par des Esprits meilleurs qui feront régner entre eux la justice, la paix, la fraternité.

La terre, au dire des Esprits, ne doit point être transformée par un cataclysme qui anéantirait subitement une génération. La génération actuelle disparaîtra graduellement, et la nouvelle lui succédera de même sans que rien soit changé à l'ordre naturel des choses.

Tout se passera donc extérieurement comme d'habitude, avec cette seule différence, mais cette différence est capitale, qu'une partie des Esprits qui s'y incarnaient ne s'y incarneront plus. Dans un enfant qui naîtra, au lieu d'un Esprit arriéré et porté au mal, qui s'y serait incarné, ce sera un Esprit plus avancé et porté au bien.

Il s'agit donc bien moins d'une nouvelle génération corporelle que d'une nouvelle génération d'Esprits ; c'est dans ce sens, sans doute, que l'entendait Jésus quand il disait : « Je vous dis, en vérité, que cette génération ne passera pas sans que ces faits soient accomplis. » Ainsi, ceux qui s'attendraient à voir la transformation s'opérer par des effets surnaturels et merveilleux seront déçus.

28.- L'époque actuelle est celle de la transition ; les éléments des deux générations se confondent. Placés au point intermédiaire, nous assistons au départ de l'une et à l'arrivée de l'autre, et chacune se signale déjà dans le monde par les caractères qui lui sont propres.

Les deux générations qui se succèdent ont des idées et des vues tout opposées. A la nature des dispositions morales, mais surtout des dispositions intuitives et innées, il est facile de distinguer à laquelle des deux appartient chaque individu.

La nouvelle génération, devant fonder l'ère du progrès moral, se distingue par une intelligence et une raison généralement précoces, jointes au sentiment inné du bien et des croyances spiritualistes, ce qui est le signe indubitable d'un certain degré d'avancement antérieur. Elle ne sera point composée exclusivement d'Esprits éminemment supérieurs, mais de ceux qui, ayant déjà progressé, sont prédisposés à s'assimiler toutes les idées progressives et aptes à seconder le mouvement régénérateur.

Ce qui distingue, au contraire, les Esprits arriérés, c'est d'abord la révolte contre Dieu par le refus de reconnaître aucune puissance supérieure à l'humanité ; la propension instinctive aux passions dégradantes, aux sentiments antifraternels de l'égoïsme, de l'orgueil, de l'envie, de la jalousie ; enfin l'attachement pour tout ce qui est matériel : la sensualité, la cupidité, l'avarice.

Ce sont ces vices dont la terre doit être purgée par l'éloignement de ceux qui refusent de s'amender, parce qu'ils sont incompatibles avec le règne de la fraternité, et que les hommes de bien souffriront toujours de leur contact. Lorsque la terre en sera délivrée, les hommes marcheront sans entraves vers l'avenir meilleur qui leur est réservé dès ici-bas, pour prix de leurs efforts et de leur persévérance, en attendant qu'une épuration encore plus complète leur ouvre l'entrée des mondes supérieurs.

29.-Par cette émigration des Esprits, il ne faut pas entendre que tous les Esprits retardataires seront expulsés de la terre et relégués dans les mondes inférieurs. Beaucoup, au contraire, y reviendront, car beaucoup ont cédé à l'entraînement des circonstances et de l'exemple ; l'écorce était chez eux plus mauvaise que le fond. Une fois soustraits à l'influence de la matière et des préjugés du monde corporel, la plupart verront les choses d'une manière toute différente que de leur vivant, ainsi que nous en avons de nombreux exemples. En cela, ils sont aidés par les Esprits bienveillants qui s'intéressent à eux, et s'empressent de les éclairer et de leur montrer la fausse route qu'ils ont suivie. Par nos prières et nos exhortations, nous pouvons nous-mêmes contribuer à leur amélioration, parce qu'il y a solidarité perpétuelle entre les morts et les vivants.

La manière dont s'opère la transformation est fort simple, et, comme on le voit, elle est toute morale et ne s'écarte en rien des lois de la nature.

30.- Que les Esprits de la nouvelle génération soient de nouveaux Esprits meilleurs, or les anciens Esprits améliorés, le résultat est le même ; dès l'instant qu'ils apportent de meilleures dispositions, c'est toujours un renouvellement. Les Esprits incarnés forment ainsi deux catégories, selon leurs dispositions naturelles : d'une part, les Esprits retardataires qui partent, de l'autre les Esprits progressifs qui arrivent. L'état des moeurs et de la société sera donc, chez un peuple, chez une race ou dans le monde entier, en raison de celle des deux catégories qui aura la prépondérance.

31.- Une comparaison vulgaire fera mieux comprendre encore ce qui se passe en cette circonstance. Supposons un régiment composé en grande majorité d'hommes turbulents et indisciplinés : ceux-ci y porteront sans cesse un désordre que la sévérité de la loi pénale aura souvent de la peine à réprimer. Ces hommes sont les plus forts, parce qu'ils sont les plus nombreux ; ils se soutiennent, s'encouragent et se stimulent par l'exemple. Les quelques bons sont sans influence ; leurs conseils sont méprisés ; ils sont bafoués, maltraités par les autres, et souffrent de ce contact. N'est-ce pas là l'image de la société actuelle ?

Supposons qu'on retire ces hommes du régiment un par un, dix par dix, cent par cent, et qu'on les remplace à mesure par un nombre égal de bons soldats, même par ceux qui ont été expulsés, mais qui se seront sérieusement amendés : au bout de quelque temps on aura toujours le même régiment, mais transformé ; le bon ordre y aura succédé au désordre. Ainsi en sera-t-il de l'humanité régénérée.

32.- Les grands départs collectifs n'ont pas seulement pour but d'activer les sorties, mais de transformer plus rapidement l'esprit de la masse en la débarrassant des mauvaises influences, et de donner plus d'ascendant aux idées nouvelles.

C'est parce que beaucoup, malgré leurs imperfections, sont mûrs pour cette transformation, que beaucoup partent afin d'aller se retremper à une source plus pure. Tant qu'ils seraient restés dans le même milieu et sous les mêmes influences, ils auraient persisté dans leurs opinions et dans leur manière de voir les choses. Un séjour dans le monde des Esprits suffit pour leur dessiller les yeux, parce qu'ils y voient ce qu'ils ne pouvaient pas voir sur la terre. L'incrédule, le fanatique, l'absolutiste pourront donc revenir avec des idées innées de foi, de tolérance et de liberté. A leur retour, ils trouveront les choses changées, et subiront l'ascendant du nouveau milieu où ils seront nés. Au lieu de faire de l'opposition aux idées nouvelles, ils en seront les auxiliaires.

33.- La régénération de l'humanité n'a donc pas absolument besoin du renouvellement intégral des Esprits : il suffit d'une modification dans leurs dispositions morales ; cette modification s'opère chez tous ceux qui y sont prédisposés, lorsqu'ils sont soustraits à l'influence pernicieuse du monde. Ceux qui reviennent alors ne sont pas toujours d'autres Esprits, mais souvent les mêmes Esprits pensant et sentant autrement.

Lorsque cette amélioration est isolée et individuelle, elle passe inaperçue, et elle est sans influence ostensible sur le monde. Tout autre est l'effet, lorsqu'elle s'opère simultanément sur de grandes masses ; car alors, selon les proportions, en une génération, les idées d'un peuple ou d'une race peuvent être profondément modifiées.

C'est ce qu'on remarque presque toujours après les grandes secousses qui déciment les populations. Les fléaux destructeurs ne détruisent que le corps, mais n'atteignent pas l'Esprit ; ils activent le mouvement de va-et-vient entre le monde corporel et le monde spirituel, et par suite le mouvement progressif des Esprits incarnés et désincarnés. Il est à remarquer qu'à toutes les époques de l'histoire, les grandes crises sociales ont été suivies d'une ère de progrès.

34.- C'est un de ces mouvements généraux qui s'opère en ce moment, et qui doit amener le remaniement de l'humanité. La multiplicité des causes de destruction est un signe caractéristique des temps, car elles doivent hâter l'éclosion des nouveaux germes. Ce sont les feuilles d'automne qui tombent, et auxquelles succéderont de nouvelles feuilles pleines de vie, car l'humanité a ses saisons, comme les individus ont leurs âges. Les feuilles mortes de l'humanité tombent emportées par les rafales et les coups de vent, mais pour renaître plus vivaces sous le même souffle de vie, qui ne s'éteint pas, mais se purifie.

35.- Pour le matérialiste, les fléaux destructeurs sont des calamités sans compensations, sans résultats utiles, puisque, selon lui, ils anéantissent les êtres sans retour. Mais pour celui qui sait que la mort ne détruit que l'enveloppe, ils n'ont pas les mêmes conséquences, et ne lui causent pas le moindre effroi ; il en comprend le but, et il sait aussi que les hommes ne perdent pas plus à mourir ensemble qu'à mourir isolément, puisque, de manière ou d'autre, il faut toujours en arriver là.

Les incrédules riront de ces choses et les traiteront de chimères ; mais, quoi qu'ils disent, ils n'échapperont pas à la loi commune ; ils tomberont à leur tour comme les autres, et alors qu'adviendra-t-il d'eux ? Ils disent : Rien ! mais ils vivront en dépit d'eux-mêmes, et seront, un jour, forcés d'ouvrir les yeux.





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